— Publié le 13 août 2018

Pour plaire aux jeunes, l’athlétisme imite le CrossFit

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La révolution de l’athlétisme est en marche. Elle s’annonce spectaculaire, au risque de fâcher les puristes. Son nom : Dynamic New Athletics, ou plus simplement DNA.

L’Association européenne d’athlétisme (AEA) en a présenté le concept et les détails en fin de semaine passée à Berlin, en marge des championnats d’Europe. Avouons-le : le projet va loin, très loin. Il révèle une audace rarement rencontrée en athlétisme, où le poids du passé freine souvent les volontés d’innovation.

Preuve de sa détermination : l’AEA a décidé d’inclure pour la première fois les DNA dans le cadre d’une grande compétition officielle l’an prochain aux Jeux Européens, dont la seconde édition doit se dérouler à Minsk, en Biélorussie, du 21 au 30 juin 2019. L’événement continental servira de laboratoire. Un test grandeur nature avant, peut-être, de prolonger l’essai sur un terrain moins expérimental.

De près comme de loin, le concept des DNA ne ressemble à rien de connu. Un mélange de compétition par équipes et d’épreuves individuelles. Une base d’athlétisme saupoudrée d’une pincée de CrossFit. Avec, critère désormais quasi-obligatoire, une priorité accordée à la mixité.

Les épreuves ? Elle seront au nombre de trois :

  • Le track’athlon. La première du programme. Elle donnera le ton. Présenté comme une forme de parcours du combattant, il mélangera plusieurs « disciplines » régulièrement disputées par les athlètes à l’entraînement : course en tirant un chariot lesté, lancer de poids et saut en longueur sans élan, course en portant un medecine-ball pour les hommes et en tractant un parachute pour les femmes…
  • Les épreuves d’athlétisme. La partie la plus traditionnelle du programme. Les athlètes participeront à titre individuel au 100 m, 110 m haies, hauteur, longueur, javelot. En prime, ils disputeront un 4×400 m mixte.
  • La chasse. L’épilogue. Un relais façon ekiden, couru par des équipes de 2 hommes et 2 femmes, sur les distances suivantes : 800 m masculin, 600 m féminin, 400 m masculin, 200 m féminin. Le départ est donné à la façon d’une poursuite en biathlon, en tenant compte des résultats des deux épreuves précédentes. La première équipe à franchir la ligne d’arrivée remporte la mise et est déclarée victorieuse des DNA.

Aux Jeux Européens 2019 à Minsk, cette première version des Dynamic New Athletics devrait mettre aux prises 30 équipes nationales, idéalement les meilleures du continent. Chacune d’elles sera composée de 17 titulaires et 6 remplaçants. Pas moins de 33 médailles seront mises en jeu, en or, argent et bronze. Elles récompenseront les trois premiers des 10 épreuves individuelles et les 3 nations classées en tête à l’issue de la compétition.

Les DNA seront disputées sur 4 jours de compétition, entre le 23 et le 28 juin, avec deux jours de récupération.

L’AEA n’en fait pas mystère : la vocation des DNA est d’attirer à l’athlétisme un public rajeuni. L’organisation européenne vise ouvertement la tranche d’âge 15-34 ans. Elle aurait déserté l’athlétisme traditionnel, devenu trop poussiéreux à son goût. Pas sûr. Elle serait en attente d’un produit plus dynamique et spectaculaire. Pas évident.

Pour Libor Varhanik, l’un des membres du Conseil de l’AEA, en charge du projet, les DNA n’ont pas vocation à remplacer l’athlétisme. « Que les choses soient claires : nous sommes fiers de l’athlétisme traditionnel, il n’est pas question de changer notre sport, explique-t-il. Nous voulons seulement présenter un autre format, plus dynamique et interactif. »

Les DNA y répondront-ils ? Attendons. Mais le concept, tout juste dévoilé, fait déjà débat. Sebastian Coe, le président de l’IAAF, s’est dit séduit par le projet. « J’aime beaucoup, avoue le Britannique. Ca colle à l’esprit d’équipe, tout en étant innovant et susceptible d’attirer les jeunes. »

Dans l’autre camp, l’ancienne athlète anglaise Kelly Sotherton, médaillée olympique à l’heptathlon et au 4×400 m, n’y croit pas. « J’imagine mal un tel concept attirer de nouveaux fans, a-t-elle commenté sur son compte Twitter. L’athlétisme a besoin d’innovation, pas de transformation. » Reste à trouver le bon équilibre entre les deux.