— Publié le 28 décembre 2016

Sur le dossier dopage, les Russes passent aux aveux

Institutions Focus

L’événement est de taille. Pour la première fois depuis le début du feuilleton sur le dopage dans le sport russe, une voix très officielle a reconnu l’existence d’un système de triche à grande échelle dans le pays. Une forme d’aveux, peu attendus à ce stade de l’histoire, recueillis après plusieurs jours d’interviews par le quotidien The New York Times.

La voix en question n’est pas anodine. Anna Antseliovich (photo ci-dessous) occupe la fonction très exposée de directrice générale de l’agence russe antidopage (Rusada). Elle a confié au quotidien new-yorkais: « C’était une conspiration institutionnelle ». La jeune femmes a également avoué avoir été « choquée » en découvrant dans le rapport McLaren l’étendue du phénomène et le nombre de sportifs concernés.

Vitaly Smirnov, 81 ans, l’ancien ministre russe des Sports et président du comité national olympique, s’est laissé aller lui aussi à admettre les faits. « De mon point de vue, nous avons commis beaucoup d’erreurs, a suggéré le dirigeant, très récemment désigné par Vladimir Poutine pour mener la réforme du système national de lutte antidopage. Nous devons maintenant comprendre les raisons qui ont poussé tous ces jeunes gens à se doper ou à accepter d’être dopés. »

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L’avancée peut sembler timide. Anna Antseliovich et Vitaly Smirnov n’en sont pas encore à tout déballer. L’un comme l’autre se contentent de reconnaître l’ampleur du phénomène. Mais ils rejettent la thèse d’un système de dopage instauré par l’État russe. Selon eux, les dirigeants russes n’étaient pas impliqués.

Ils n’empêchent, leurs déclarations constituent un tournant dans une affaire débutée en juillet 2015 avec les premiers documentaires de la chaîne allemande ARD. Début décembre, après la publication du second volet du rapport McLaren, faisant état d’un millier d’athlètes russes et d’une trentaine de sport touchés, l’ex ministre des Sports Vitaly Mutko avait nié en bloc toutes les accusations du juriste canadien. Il avait juré ses grands dieux que la thèse d’un dopage d’Etat piloté en haut lieu était diffamatoire. Il avait pointé que les accusations de « conspiration institutionnelle » n’étaient pas étayées par la moindre preuve.

A l’évidence, le ton est en train de changer dans le sport russe. Après le temps du complot vient celui de la remise en question. En fin de semaine passée, la fédération russe de biathlon a volontairement renoncé à l’organisation des championnats du Monde juniors en févier 2017 et d’une étape de la Coupe du Monde un mois plus tard. Les dirigeants sont nombreux désormais à juger que la priorité est de restaurer l’image d’un sport et d’un pays montrés du doigt par le reste de la planète. Anna Antseliovich et Vitaly Smirnov viennent d’ouvrir la porte. Ils seront peut-être bientôt suivis.