Candidatures

A Tokyo, le temps des excuses

— Publié le 30 avril 2013

Les futures candidatures olympiques pourront en retenir la leçon. Et même, pourquoi pas, en faire une règle de conduite. Pour décrocher le pompon, dans la course aux Jeux, mieux vaut réduire au silence les hommes politiques. Naoki Inose, le gouverneur de Tokyo, et patron du comité de candidature japonais pour les Jeux de 2020, a voulu parler un peu trop, et un peu trop fort, lors de sa récente visite à New York. Résultat : une « affaire » qui plombe sérieusement le dossier asiatique.

Rappel des faits. Interrogé par deux journalistes du New York Times, Naoki Inose s’est laissé aller à critiquer la candidature rivale d’Istanbul, présentée comme le plus sérieux adversaire de Tokyo pour le choix de la ville hôte des Jeux de 2020. Entre autres maladresses, le gouverneur a explique que « de temps en temps comme pour le Brésil, c’est bien d’avoir un nouveau lieu. Mais les pays islamistes, la seule chose qu’ils ont en commun est Allah et ils se battent les uns contre les autres ».

Embarrassée, l’équipe de candidature de Tokyo a d’abord essayé de faire croire à une mauvaise interprétation des propos de Naoki Inose. Un porte-parole du gouverneur a tenté d’expliquer que ce dernier voulait simplement dire que le fait qu’un pays musulman puisse organiser des Jeux pour la première fois n’est pas un argument suffisant pour être désigné, à l’égal de « premier pays bouddhiste » ou « premier pays chrétien. »

De son côté, le dirigeant politique tokyoïte a joué l’innocent, assurant que ses propos n’avaient pas été « précisément retranscris » dans l’article du New York Times. Une défense que le quotidien américain s’est empressé de contredire, faisant bloc derrière ses deux reporters. Jason Stallman, le responsable des sports du NYT, a expliqué que les deux journalistes en question, Ken Belson et Hiroko Tabuchi, étaient dignes de foi. La première, grande spécialiste du Japon, fait partie de l’équipe de rédacteurs récompensée par le Prix Pullitzer pour sa couverture de la catastrophe de Fukushima. Elle parle parfaitement le japonais. Le second en maitrise encore mieux les nuances puisqu’il s’agit de sa langue natale. Par ailleurs, l’entretien avec le gouverneur de Tokyo a été réalisé en présence d’un interprète. Et il a été enregistré.

Après le déni est donc venu le temps des excuses pour Naoki Inose. Après avoir tenté de se justifier sur sa page Facebook, assurant qu’à aucun moment il n’avait voulu dénigrer la candidature d’une ville concurrente, le gouverneur est apparu mardi 30 avril à télévision pour exprimer ses regrets. « Il y a eu des commentaires qui ont pu créer un malentendu dans les pays musulmans. Je m’en excuse », a déclaré l’homme politique japonais.

L’affaire Inose aura-t-elle un impact sur le vote du CIO, prévu le 7 septembre prochain à Buenos Aires ? Mystère. Mais elle rappelle étrangement le dérapage de Jacques Chirac, alors président de la République Française, lors d’un sommet du G8 en 2005, peu de temps avant le choix de la ville hôte des Jeux de 2012. Le chef de l’Etat avait été entendu dire à Vladimir Poutine cette remarque définitive : « Vous ne pouvez pas vous fier à un peuple qui cuisine aussi mal. Après la Finlande, la Grande-Bretagne est le pays qui possède la plus mauvaise nourriture. » Une remarque qui aurait, selon Sebastian Coe, contribué à faire perdre Paris et gagner Londres.