— Publié le 10 mai 2016

Craig Reedie, président de l’AMA: Accroître le financement pour un sport propre

Communiqué

Montréal, le 9 mai 2016 – Il n’est pas exagéré de dire que l’intégrité du sport est aujourd’hui remise en question comme jamais auparavant. Nous n’avons pas seulement affaire à des problèmes de dopage, mais aussi à des échecs de gouvernance dans des fédérations sportives internationales et à des allégations de matchs truqués dans le sport de haut niveau. Nous avons des défis à relever sur plusieurs fronts, mais comme le dopage affecte négativement les sportifs eux-mêmes, il ne fait aucun doute qu’il constitue toujours la plus grande menace pour le sport moderne.

Dans la lutte contre le dopage, nous pouvons être fiers de ce que nous avons accompli depuis l’avènement de l’Agence mondiale antidopage (AMA) en 1999. Dans la foulée du scandale Festina qui avait frappé le cyclisme à l’époque, l’Agence a été créée pour répondre, à l’échelle mondiale, à la nécessité d’une approche concertée pour réagir à la menace du dopage. Parmi toutes les choses qui ont été réalisées au cours de cette période – un traité international de l’UNESCO, le Passeport biologique de l’athlète (PBA), des pouvoirs d’enquête, des partenariats avec des sociétés pharmaceutiques –, le fait qu’il existe maintenant un ensemble de règles mondiales s’appliquant à tous les sports et à tous les pays est certes le résultat le plus satisfaisant. Ces règles – réunies dans le Code mondial antidopage – ont rendu le système plus équitable et constituent le cadre à l’intérieur duquel nous évoluons tous maintenant. Cependant, nous travaillons avec peu de moyens et, dans la communauté antidopage, nous ressentons de plus en plus de pression en raison de la quantité croissante de travail qui nous est demandée.

À la lumière de ce travail et de la prolifération des scandales de dopage dans les hautes sphères du sport, j’ai décidé de soulever la question de l’accroissement de notre financement lors du Symposium de l’AMA pour les organisations antidopage en mars dernier, et j’ai invité les diffuseurs et les sponsors à envisager de financer le sport propre.

Le budget annuel de l’AMA est d’environ 30 millions de dollars US. Cette somme provient en parts égales des deux volets de l’AMA : les gouvernements et le mouvement sportif. L’AMA doit vivre selon ses moyens et mener ses activités – qui vont de l’éducation à la conformité en passant par la recherche et la sensibilisation des sportifs – avec efficacité.

« L’AMA doit vivre selon ses moyens et mener ses activités avec efficacité. »

Au cours de ma présidence, l’Agence a exploré de nouvelles sources de revenus pour nous aider à relever les défis du moment. Le Fonds de recherche antidopage, création conjointe du Comité International Olympique (CIO) et de l’AMA, en constitue un exemple. Grâce à la clairvoyance de son président, Thomas Bach, le CIO s’est engagé à consacrer jusqu’à 10 millions de dollars US à la recherche antidopage axée sur les sportifs, un financement que les gouvernements ont été en mesure d’égaler à hauteur de 6 millions de dollars US. Le résultat : une enveloppe de 12 millions de dollars a été consacrée à des recherches innovatrices en sciences et en sciences sociales, ce qui nous a aidé à mettre au point de nouveaux et meilleurs moyens de détection des substances et des méthodes interdites et à comprendre les raisons comportementales qui sous-tendent la décision d’un sportif de se doper.

À la suite de la récente enquête de la Commission indépendante sur le dopage généralisé en athlétisme, j’ai confirmé lors de la réunion du Conseil de fondation de l’AMA de novembre que j’écrirais aux gouvernements pour leur demander de contribuer à d’autres enquêtes, qui sont réclamées avec encore plus d’insistance depuis les nouvelles allégations de dopage dans les derniers mois. J’ai été enchanté de l’engagement des gouvernements du monde entier à faire des contributions substantielles, que je vais maintenant demander au CIO d’égaler dollar pour dollar.

De telles initiatives sont utiles, mais pour vraiment faire face à l’ampleur du dopage, nous devons tous creuser plus profondément. Le sport, en 2016, est une énorme entreprise mondiale, et l’industrie ne manque vraiment pas d’argent – contrairement au secteur antidopage. Le marché du sport est généralement composé de sponsorings, d’entrées, de droits médias (qui comprennent la télédiffusion) et de marchandisage. Une estimation prudente en 2015 établissait sa valeur à un peu moins de 145 milliards de dollars US(Source : PwC Outlook for the global sports market to 2015).

« Le sport ne manque vraiment pas d’argent – contrairement au secteur antidopage. Une estimation prudente en 2015 établissait sa valeur à un peu moins de 145 milliards de dollars US. »

Les droits médias – dont la part du lion provient des télédiffuseurs – valent au-delà de 35 milliards de dollars US à eux seuls. Les diffuseurs, qui servent des milliards d’amateurs de sport dans le monde, doivent avoir un intérêt dans le sport propre, tout comme les sportifs et les amateurs. Après tout, si l’intégrité du sport est de plus en plus menacée, ce sont les amateurs – ceux-là mêmes qui allument leur téléviseur pour regarder les matchs et les compétitions – qui s’en détourneront, ce qui aura une incidence directe sur les diffuseurs. Pourquoi ne pas proposer, comme certains l’ont fait valoir, une certaine forme de tarif pour les titulaires des droits médias qui paient les droits pour les sports? Imposer, par exemple, un minuscule tarif de 0,5 % sur ces 35 milliards de dollars US de droits médias par année ajouterait instantanément 175 millions de dollars US dans les coffres de l’antidopage. Multiplier par cinq le budget de l’AMA fournirait 175 millions de dollars US de plus par année pour protéger les sportifs propres. Avec ces fonds supplémentaires, nous pourrions avoir un impact plus grand sur la protection des droits des athlètes propres et, par ricochet, maintenir l’intégrité du sport. Ce coup de pouce important pour le sport propre pourrait permettre de réaliser d’autres enquêtes, plus de contrôles basés sur la qualité et une meilleure recherche. Il nous aiderait aussi à faire de l’éducation fondée sur les valeurs, une démarche de la plus haute importance, de manière à diffuser notre message aux sportifs de demain. La question qui se pose, bien sûr, est de savoir qui assumerait ces coûts : les diffuseurs eux-mêmes? Ou bien refileraient-ils la facture aux fédérations sportives, dont beaucoup sont des entreprises rentables, mais d’autres pas? C’est un débat que nous devons tenir maintenant.

« Les droits médias valent au-delà de 35 milliards de dollars US par année. Imposer un petit tarif de 0,5 % aux titulaires des droits médias fournirait 175 millions de dollars US de plus par année à l’AMA pour protéger les sportifs propres. »

Cela ne s’arrête pas à la diffusion. Le sponsoring apporte aussi une énorme contribution à l’industrie du sport. Les principaux sponsors devraient commencer à réfléchir aux moyens qu’ils pourraient prendre pour appuyer le sport propre. Prenons les sociétés pharmaceutiques, par exemple, avec lesquelles le mouvement antidopage a tissé des liens étroits. Le secteur antidopage s’attache à protéger les droits des sportifs propres, mais l’industrie pharmaceutique a tout intérêt à ce que ses produits soient utilisés pour des raisons médicales légitimes, et non par des sportifs à la recherche d’un avantage indu.

À l’échelle mondiale, on estime à près de 50 milliards de dollars US la valeur annuelle des sponsorings (Source : PwC Outlook for the global sports market to 2015). Les sponsors sont la source de financement de l’industrie du sport qui connaît la croissance la plus rapide. Ils investissent beaucoup d’argent non seulement dans les manifestations sportives, mais aussi dans les sportifs d’élite, afin que le succès des vedettes du sport rejaillisse sur eux aussi. Mais tous les avantages que peuvent tirer les sponsors d’une telle association avec un sport ou un sportif peuvent facilement être ternis par un scandale de dopage frappant leur protégé. Le dopage est une menace pour les affaires des sponsors, donc pourquoi ne voudraient-ils pas financer le sport propre et être associés aux valeurs positives qu’il évoque? Une telle démarche serait en phase avec l’opinion publique et serait avantageuse aussi sur le plan des relations publiques. Comme quelqu’un me l’a dit, pourquoi une organisation qui parraine un sportif ayant été sanctionné pour dopage ne donnerait-elle pas au mouvement antidopage la somme qu’elle lui aurait versée durant cette sanction? C’est sûrement là que son intérêt devrait se situer.

« À l’échelle mondiale, on estime à près de 50 milliards de dollars US la valeur annuelle des sponsorings. Le dopage est une menace pour les affaires des sponsors, donc pourquoi ne voudraient-ils pas financer le sport propre et être associés aux valeurs positives qu’il évoque? Une telle démarche serait en phase avec l’opinion publique et serait avantageuse aussi sur le plan des relations publiques. »

Nous devons rallier tous les partenaires – y compris les diffuseurs et les sponsors – à la cause du sport propre. Le public aime le sport. En fait, on estime que les entrées couvrent le tiers de la valeur totale de l’industrie du sport (Source : PwC Outlook for the global sports market to 2015), ce qui témoigne clairement d’un désir extrêmement répandu dans le public d’assister aux matchs et aux compétitions. L’opinion publique est également très en faveur de règles du jeu équitables. C’est pourquoi nous avons tous le devoir de protéger les sportifs propres et de veiller à ce que le système le plus juste et le plus efficace possible soit en place pour les sportifs du monde entier. Le sport, les gouvernements, les sportifs, les diffuseurs et les sponsors partagent tous cette importante responsabilité.

« Nous avons tous le devoir de protéger les sportifs propres et de veiller à ce que le système le plus juste et le plus efficace possible soit en place pour les sportifs du monde entier. Le sport, les gouvernements, les sportifs, les diffuseurs et les commanditaires partagent tous cette importante responsabilité. »

-Sir Craig Reedie