— Publié le 2 juillet 2025

Le tennis en appelle aux opérateurs de paris pour lutter contre les abus

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Chaque semaine ou presque, des joueurs de tennis partagent les messages insultants qu’ils reçoivent sur les réseaux sociaux. La Britannique Katie Boulter confiait récemment qu’elle pouvait recevoir des centaines de messages après des matchs, parfois des menaces de mort, de la part de parieurs mécontents d’avoir perdu de l’argent. Un fléau auquel le Grand Chelem de Wimbledon, qui se tient actuellement à Londres, n’échappera pas. La Fédération internationale de tennis (ITF) et l’Association des joueuses (WTA) ont documenté ce sujet dans un rapport sur les abus en ligne.

Plusieurs cas transmis au FBI

L’ITF et la WTA collaborent avec Signify Group, via son service Threat Matrix, pour protéger les joueurs et les membres de la famille du tennis contre les menaces et la violence en ligne, à l’instar de la Fédération internationale de ski et de snowboard (FIS). Entre janvier et décembre 2024, 1,6 million de messages et de commentaires ont été analysés par Threat Matrix sur les comptes de 8.300 athlètes. Bilan : 8.000 ont été jugés abusifs, violents ou menaçants, et 458 joueurs ont été la cible de ces comportements. Des chiffres qui ne reflètent pas l’ampleur totale du problème puisqu’ils ne prennent pas en compte les joueurs du circuit ATP.

Les parieurs sont au premier rang des accusés : ils sont responsables de 40 % des abus détectés par Signify au cours de l’année. Parmi les signalements transmis par les joueurs à Threat Matrix, 77% des abus directs proviennent de parieurs mécontents. Des individus qui « cherchent à provoquer une détresse émotionnelle directe chez les joueurs à la suite de paris perdus », déplore l’ITF. Un compte a envoyé pas moins de 263 messages abusifs à lui seul. Quinze cas d’abus ont fait l’objet d’une enquête et des preuves ont été fournies aux autorités nationales compétentes pour évaluation et action – dont trois au FBI. Les équipes chargées de la sécurité des tournois et des circuits ont également reçu les informations nécessaires pour interdire à ces personnes l’accès aux sites accueillant des matchs.

« Invivable pour la nouvelle génération »

Dans les semaines à venir, le service Threat Matrix sera élargi pour inclure la modération sur les réseaux sociaux. Les joueurs du circuit pourront demander son activation afin que les messages inappropriés soient masqués ou supprimés sur leurs réseaux sociaux. L’ITF et la WTA espèrent aussi pouvoir compter sur l’action des opérateurs de paris pour gagner en efficacité. « Compte tenu des preuves évidentes mises en évidence par Threat Matrix sur le lien entre les parieurs en colère et les abus et menaces en ligne, nous appelons à un dialogue constructif avec l’industrie du jeu pour aider à résoudre ce problème, déclare un porte-parole des deux instances. Nous espérons que le secteur des jeux d’argent répondra de manière constructive à notre appel à plus d’action de sa part. »

« Je salue le travail effectué par la WTA et l’ITF avec Threat Matrix pour identifier et prendre des mesures contre les abuseurs, dont le comportement est souvent lié aux jeux d’argent. Mais cela ne suffit pas. Il est temps que le secteur des jeux d’argent et les entreprises des médias sociaux s’attaquent au problème à la source et agissent pour protéger tous ceux qui sont confrontés à ces menaces », appuie l’Américaine Jessica Pegula, membre du conseil des joueuses de la WTA et actuelle numéro 3 mondiale. La Française Caroline Garcia, qui vient tout juste de prendre sa retraite sportive, avait longuement évoqué ce combat dans le journal L’Equipe l’an passé : « Quand tu es jeune, que tu débarques juste et que tu es une personne sensible, ça peut être quelque chose de très douloureux et violent. Ces dernières années, les messages de haine des parieurs qui ont perdu de l’argent ont vraiment pris de l’ampleur. C’est de pire en pire. Si ça continue dans ce sens, ça va être invivable pour la nouvelle génération. »