— Publié le 4 mai 2025

Petra Sörling : « Le tennis de table mérite d’être dans le top 8 des sports à Los Angeles »

InstitutionsInterview Focus

La Fédération internationale de tennis de table organisera son Assemblée générale élective le 27 mai. Petra Sörling, présidente sortante, brigue un deuxième mandat face au Qatarien Khalil Al-Mohannadi et au Mauritanien Mohamed El Hacen Ahmed Salem. La Suédoise, qui dévoilera son manifeste au cours de la semaine, s’est confiée à Francs Jeux pour dresser le bilan de son premier mandat et présenter sa vision pour les années à venir.

Son premier mandat

J’ai eu le privilège d’être élue à Houston en 2021. C’était un moment particulier pour prendre la tête d’une fédération à cause de la pandémie. Le tennis de table a peut-être encore plus souffert comme la Chine est notre marché principal et que le pays a été presque totalement verrouillé pendant trois ans. En à peine quatre ans, nous avons créé une dynamique. On l’a vu aux Jeux de Paris. J’ai échangé avec les présidents des fédérations continentales pour avoir leur ressenti sur ce premier mandat, ils sentent qu’il y a une dynamique, ils veulent que le tennis de table reste en première ligne. C’est aussi pour ça que j’ai décidé de briguer un deuxième mandat.

Contrairement à 2021, c’est une campagne plus traditionnelle, où les gens peuvent voyager et se rencontrer. Je dois « vendre » mes idées aux membres, mais ce n’est pas si compliqué avec le parcours qui a été le nôtre ces quatre dernières années car je peux montrer des résultats. Être la première femme présidente, et la première dirigeante de l’ITTF élue au CIO, c’était un rêve. J’ai ce poids sur les épaules mais j’ai le sentiment que nous avons beaucoup à accomplir. Je vois ça comme un deuxième chapitre, nous devons faire un peu plus, tout en montrant aux associations membres que nos actions leur apportent quelque chose.

Objectif top 8 à Los Angeles 2028

Le tennis de table peut être un sport du top 8 aux Jeux de Los Angeles. Ce n’est pas impossible si nous continuons d’avancer à la même vitesse. Pour nous, essayer de grandir, de grossir, est une obligation. Quand on regarde les sports du top 8, je pense que nous méritons d’être avec eux. Pour cela, il y a le volet sportif, mais aussi tout ce que nous pouvons faire sur les différents marchés. Je veux que tous nos membres aient le sentiment de faire partie de l’aventure. Nous avons 227 associations membres, c’est énorme, mais comment faire en sorte d’être incontournable aux quatre coins du monde, et pas seulement en Chine ou en Asie ?

Aux Jeux de Tokyo, dans le tournoi du simple messieurs, nous avions des joueurs de quatre continents en quarts de finale. C’était quelque chose de grand. La semaine dernière, le Brésilien Hugo Calderano a gagné la Coupe du monde de Macao en battant les deux meilleurs joueurs mondiaux. Pour être un sport du top 8, il faut de la diversité dans les résultats. Nous sommes sur les bons rails. Ce n’est pas impossible, nous pouvons réussir. Nous travaillons sur tous les aspects, le sportif et le commercial, et c’est comme ça que l’on y arrivera. Nous savons ce qu’il faut faire, et nous devons le faire partout !

L’intégration d’une épreuve mixte par équipes aux JO

Nous avions quatre événements jusqu’en 2020. Depuis Tokyo, nous en avons cinq (avec le double mixte), et à Los Angeles nous en aurons six. Ce n’est pas seulement un autre événement. Nous avons créé une Coupe du monde par équipes mixtes et nous avons eu deux éditions très réussies, qui ont vraiment apporté quelque chose en termes d’égalité. Certaines associations membres se sont plaintes en disant : « On ne peut pas concourir, nous n’avons pas de joueuses. » C’est le moment de soutenir les filles pour pouvoir former une équipe mixte dans le futur ! L’ajout de cet événement aux Jeux va booster le nombre de joueuses. Au niveau mondial, environ 20 % des licenciés sont des femmes alors que nous sommes un sport très engagé pour la parité, avec une égalité du prize money entre hommes et femmes depuis 2008. Cet événement poussera les fédérations à soutenir les joueuses. Pour nous, ce n’est pas simplement un événement de plus, cela change la donne.

Limiter l’empreinte environnementale

La première chose que j’ai faite après mon élection a été de créer un poste de responsable de la durabilité, où nous avons nommé quelqu’un de notre fondation. Maintenant, nous avons des manuels dédiés aux organisateurs avec un chapitre spécial sur la durabilité et l’héritage. Récemment, nous avons organisé un forum de la durabilité où tous les membres ont pu échanger leurs meilleures pratiques. Quand nous avons commencé, en 2021, les fabricants voyaient ça avec crainte. Désormais, ils ont leur propre groupe de travail sur la durabilité et il y aura quelques surprises cette année avec de bonnes initiatives en termes d’équipements recyclés, de nouveaux produits verts qui sortiront bientôt. Je suis très fière car c’est du concret. Il y a aussi des domaines où nous avons beaucoup à faire, mais nous sommes en marche.

Les déplacements sont notre plus grand défi. Nous essayons de plus en plus d’avoir des clusters d’événements : quand vous êtes en Asie, vous avez plusieurs événements qui se suivent. C’est important pour le climat mais aussi pour le bien-être des athlètes. À la sortie de la pandémie, nous devions pousser les organisateurs, nous étions déjà heureux d’avoir un événement, peu importe sa localisation. Maintenant que la situation est meilleure et que de nouveaux membres veulent recevoir des compétitions, c’est plus facile pour nous d’établir des priorités. On le voit cette année, et ce sera encore renforcé l’année prochaine : on veut favoriser des clusters d’événements pour limiter ces trajets.

Les prochains Championnats du monde eSport

L’an passé, nous avons organisé les tout premiers Championnats du monde de tennis de table virtuel pour coller aux jeunes générations, les rencontrer là où elles sont, derrière les écrans, et les attirer vers le sport. C’était un grand succès. Nous organiserons une autre édition d’ici la fin de l’année pour nous préparer pour les Jeux 2027. Nous voulons avoir un Championnat du monde chaque année, mais nous n’avons pas encore décidé si ce sera comme en 2024, si ce sera dédié aux jeunes ou si ce sera a événement isolé. Nous essayons de calibrer le format en vue des Jeux olympiques de l’eSport.

Nous ne voulons pas faire quelque chose d’artificiel : le tennis de table en réalité virtuelle existait déjà et il était populaire sur le marché. La France était parmi les leaders en termes de résultats mais aussi en tant que membre. La fédération française m’a poussée dans cette direction, j’ai senti qu’ils étaient avec moi et sans eux, je ne pense pas que nous aurions organisé la première édition l’an passé. Ils m’ont aidée à pousser mon bureau exécutif. Nous en sommes à la phase de planification. La localisation et les dates ne sont pas encore définies, mais il y aura un événement cette année. Nous allons continuer dans cette voie.