
Le sport français sort les griffes, encore une fois. Mardi, au lendemain de la Journée olympique, le ministère des Sports a présenté les nouveaux contours du Pass’Sport, un dispositif qui aide financièrement les jeunes des familles modestes à s’inscrire dans un club ou une salle de sport. Alors qu’il s’adressait aux 6-17 ans jusque-là, il sera recentré sur les 14-17 ans à la rentrée – les jeunes en situation de handicap de 6 à 30 ans, ainsi que les étudiants boursiers de moins de 28 ans, peuvent aussi en bénéficier. Le ministère a essayé de faire passer la pilule en augmentant le montant de l’aide, qui passera de 50 à 70 euros, mais il n’a pas pu éviter la levée de boucliers.
375 000 enfants exclus rien qu’à la FFF
Lancé en 2021, le Pass’Sport « a permis à plus de 3,5 millions de jeunes d’avoir accès à une pratique sportive régulière », souligne la ministre Marie Barsacq. « À 14 ans, près d’un collégien sur cinq n’a pas d’activité sportive régulière, notamment face à une contrainte liée au coût. Le Pass’Sport est une aide essentielle pour lever ce frein. » L’intérêt du dispositif ne fait pas débat, mais la décision d’en écarter les 6-13 ans (ce qui permet au gouvernement d’économiser environ 40 millions d’euros) a poussé le monde sportif à sortir du bois, une fois encore, pour défendre son bout de gras. « Comment peut-on accepter de voir diviser par deux l’aide à la pratique sportive, si essentielle, des plus jeunes dans notre pays ? Tout se joue entre 6 et 13 ans ! L’héritage des JO 2024 est sacrifié », écrit Gilles Erb, le président de la Fédération française de tennis de table, estimant que ce choix est celui d’une « vision à court terme inacceptable ».
Comment peut-on accepter de voir diviser par 2 l’aide à la pratique sportive, si essentielle, des plus jeunes dans notre pays?
— ERB Gilles (@erb_gilles) June 27, 2025
➡️ Tout se joue entre 6 et 13 ans !
➡️ L’héritage des JO2024 est sacrifié
➡️ Vision à court terme inacceptable @FranceOlympique #santé #budget https://t.co/4K47DelUE9
La Fédération française de football a également réagi par le biais d’un communiqué. « Cette mesure d’économie est préjudiciable à l’héritage attendu des Jeux olympiques et paralympiques, déplore la FFF, première fédération sportive du pays avec 2,3 millions de licences délivrées en 2023-2024. Jusqu’alors ouvert à tous les enfants de moins de 18 ans, sous condition de revenus de leurs parents, le Pass’Sport ne concernerait plus désormais, à partir de la rentrée 2025-2026, que les adolescents de 14 à 17 ans. Cette mesure est particulièrement préoccupante. Ainsi, sur les 977.000 licenciés de moins de 14 ans que compte la FFF, 375.000 d’entre eux bénéficiaient jusqu’à aujourd’hui du Pass’Sport. Dès la rentrée prochaine, ils seront exclus du dispositif. » Un coup dur pour la FFF, évidemment, mais aussi pour la place du sport dans la société française, puisqu’une partie des enfants exclus de ce cadre risque de ne plus pratiquer une activité physique régulière.
« Chacun doit faire des efforts, mais le sport en a déjà trop fait »
Tout juste élue à la tête du CNOSF, Amélie Oudéa-Castéra aurait espéré un début de mandat plus serein. « La catégorie des 6–13 ans est un âge stratégique ! Parce que c’est dès l’enfance que se prennent le goût et l’habitude de la pratique. À un moment où l’obésité infantile progresse et la santé mentale de nos enfants décline, quelle erreur de sacrifier un dispositif qui incite les petits à faire du sport ! », écrit-elle sur LinkedIn, rappelant que « la France se classe 42e sur 45 sur le taux d’enfants de 11 à 13 ans respectant les 60 mn d’activité physique/jour préconisées par l’OMS ». La présidente du CNOSF s’indigne qu’aucune évaluation n’ait précédé cette décision et s’inquiète des répercussions pour les clubs, « pris au dépourvu alors que les inscriptions démarrent dans certaines disciplines ».
« Mettre à bas le Pass’Sport va priver des milliers d’enfants d’un accès à la pratique sportive, connue pour améliorer le bien-être physique et mental, mais aussi les performances cognitives et scolaires. Nous connaissons la situation budgétaire du pays. Et sommes conscients que chacun doit faire des efforts. Mais le sport en a déjà trop fait depuis mars. Et le Gouvernement ne peut pas continuer à le fragiliser avec de tels coups de rabot, qui méconnaissent son impact sociétal et trahissent l’héritage des Jeux. » Elle demande donc « le rétablissement plein et entier du Pass’Sport », mais aussi « que plus un seul euro ne soit retiré en gestion au budget du sport ». Un vœu pieux au regard des derniers mois. « On se rassure parfois avec l’existence du boni de liquidation des Jeux (76M€), mais ce boni est à peine plus élevé que les montants coupés par le Gouvernement sur le seul mois d’avril 2025 », alerte l’ancienne ministre. À quelques semaines des célébrations des Jeux de Paris, le 26 juillet, en présence de Kirsty Coventry et Thomas Bach, la France reste dans un paradoxe inquiétant : les Jeux seront fêtés, mais leur héritage est fragilisé et la place du sport n’a pas véritablement évolué dans la société.