
Personne n’est tombé de sa chaise en apprenant la réélection de Witold Banka comme président de l’Agence mondiale antidopage. Le Polonais, unique candidat, démarrera son troisième et ultime mandat, comme le stipule le règlement, le 1er janvier prochain. Il rendra définitivement son tablier en décembre 2028, après neuf ans aux commandes de l’AMA. Un record puisque parmi ses prédécesseurs, Dick Pound était resté en poste pendant huit ans et 52 jours (1999-2007), tandis que John Fahey (2008-2013) et Craig Reedie (2014-2019) avaient dirigé l’institution pendant six années. Une longévité qui fait grincer des dents, particulièrement du côté des Etats-Unis.
« Un couronnement » plus qu’une élection
Une fois le résultat officiel, l’Agence américaine antidopage a immédiatement visé l’agence sur les réseaux sociaux, en partageant un article intitulé Comment les élections démocratiques sont empêchées à l’AMA. Celui-ci rapporte notamment que le Néerlandais Chiel Warners, ancien décathlonien, a renoncé à se présenter en raison des critères d’éligibilité, difficiles à satisfaire. « L’AMA promet d’abord des réformes de gouvernance après le scandale antidopage russe, puis change discrètement les règles à la seconde où le monde a détourné le regard. Non seulement l’AMA a accepté un troisième mandat sans précédent pour le président et le vice-président actuellement nommés par le gouvernement et le sport, mais elle s’est aussi moquée d’une véritable indépendance en protégeant davantage les titulaires, en utilisant le sport pour bloquer un candidat viable et en transformant l’élection en un couronnement », cingle l’USADA.
With this election, WADA has pulled the ultimate 'bait and switch', first promising governance reforms following the Russian anti-doping scandal and then quietly changing the rules the second the world looked away. Not only did WADA agree to an unprecedented third term for the… pic.twitter.com/MlUQ9C5rsF
— USADA (@usantidoping) May 28, 2025
Les Etats-Unis ont multiplié les critiques à l’égard de l’AMA depuis l’affaire des nageurs chinois, malgré une enquête indépendante qui a blanchi l’agence. « La confiance des athlètes et du public dans le système antidopage mondial est à son plus bas niveau depuis 25 ans en raison de l’application incohérente et inégale des règles par l’AMA dans les affaires de natation en Chine et autres », souligne l’USADA. Les Etats-Unis ont suspendu leur contribution financière et ont répété leur intention de ne rien lâcher avant que l’AMA n’entreprenne des réformes profondes. Le temps ne semble cependant pas favorable à une discussion sereine, et Witold Banka l’a lui aussi fait comprendre.
Politisation et complotisme
Le Polonais a répondu aux critiques lors de la conférence de presse qui a suivi sa réélection ainsi que celle de sa vice-présidente Yang Yang. « La politisation de la lutte contre le dopage est très préoccupante, a-t-il commenté. Nous voyons de plus en plus de tentatives pour politiser l’environnement antidopage. Il n’y a pas de place pour la politique ou les guerres de territoire dans la lutte pour un sport propre. » Le président de l’USADA, Travis Tygart, en a pris pour son grade : « Nous sommes ouverts à la coopération, y compris avec les autorités de la Maison Blanche. Nous avons dit à plusieurs reprises que nous devions travailler main dans la main dans l’intérêt des athlètes américains, mais il est difficile de travailler avec Mr Tygart. »
« Il trouve toujours une raison d’attaquer l’AMA, donc c’est compliqué de travailler avec quelqu’un qui croit aux théories du complot, y compris celle selon laquelle nous avons aidé à dissimuler les tests de dopage positifs de 23 nageurs chinois. Il ne fait rien dans l’intérêt de la lutte contre le dopage, il ne fait que parcourir le monde et attaquer l’AMA », déplore Witold Banka, qui sait pertinemment que l’USADA ne lui fera aucun cadeau et surveillera tous ses faits et gestes pour lui mettre la pression. La perspective des Enhanced Games, une compétition que les deux entités s’accordent à condamner, facilitera peut-être le retour d’un dialogue plus apaisé. Les enjeux liés à Los Angeles 2028 et Salt Lake City 2034 aussi.