L’appétit vient en mangeant, et les ligues privées pensent toujours à leur prochain repas. Du football au basket, en passant par le cyclisme, l’athlétisme ou le rugby, leur ombre se fait de plus en plus pressante. Avec elles, des promesses de revenus boostés et d’un spectacle sportif attrayant. Mais aussi des questions et des inquiétudes, pour les « petits » et pour les fédérations.
Les États-Unis et le Moyen Orient aux manœuvres
Luc Tardif ne cache pas ses craintes sur le sujet. Le président de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) doit composer avec les velléités expansionnistes de la NHL, qui souhaite marcher sur les plates-bandes de la fédé et conquérir de nouveaux marchés en organisant sa propre Coupe du monde. « On a des négociations avec la NHL. Ils veulent venir en Europe, juste avant nos Championnats du monde – tous les quatre ans, mais quand même, ça vient sur notre marché. C’est un gros sujet qui préoccupe toutes les fédérations internationales, y compris la nôtre, alerte-t-il auprès de Francs Jeux. En athlétisme, Michael Johnson a créé son tour professionnel (le Grand Slam Track, lancé en avril). Il donne de grosses bourses aux athlètes et ils vont où il y a le plus d’argent. De même, la NBA veut venir en Europe pour le basket. Ils vont entrer sur le marché des ligues européennes et quelque part, les FI en souffrent. »
En cyclisme, « One Cycling » ambitionne de rassembler les meilleures équipes du peloton. Soutenue par le fonds souverain d’Arabie saoudite, cette Super Ligue du cyclisme fonctionne sur le même principe que celle qui a secoué le monde du football : réunir la crème de la crème, proposer des affrontements directs entre les stars, et ainsi générer davantage de revenus. Selon le média belge Het Laatste Nieuws, Flanders Classics et RCS Sport, qui organisent certaines des plus grandes courses belges et italiennes aujourd’hui, seraient prêts à rejoindre l’aventure.
Avec quels coureurs ? Potentiellement de grands noms puisque parmi les onze équipes qui reviennent dans la presse, figurent Visma-Lease a Bike, INEOS Grenadiers, Red Bull-BORA-hansgrohe ou encore Soudal Quick-Step. En rugby aussi, un projet de Super Ligue, principalement porté par des acteurs américains, pourrait voir le jour dès 2026, avec huit franchises et, pour les joueurs, des salaires « presque deux fois supérieurs à ceux perçus en France » selon Actu Rugby. Des initiatives avantageuses pour les stars et les grosses écuries, mais qui fragilisent les équilibres.
« Il ne faut pas que les fédérations n’aient que les dépenses »
Concentrées sur les profits financiers, les ligues privées font fi des principes de solidarité qui sont en place dans la plupart des écosystèmes sportifs. « Nous, on prend en charge les compétitions qui aident à la formation, qui sont nécessaires à l’évolution des athlètes – ce sont des coûts, pas des recettes. Les sociétés privées, elles, viennent sur ce terrain-là pour faire des bénéfices mais sans s’occuper des activités de développement. Personne ne voit les dégâts, pointe Luc Tardif. Dans ce système, il ne faut pas que les clubs, les fédérations, la FI, n’aient que les dépenses. Ça ne peut pas marcher sinon. Cet équilibre est super important. »
Dans ses négociations avec la NHL, l’IIHF a ainsi proposé à la ligue d’organiser sa Coupe du monde en Europe en septembre ou en octobre, ou alors en février mais sur un autre continent. Pour le moment, sans réussir à convaincre son interlocuteur. « Si on n’est pas là, il n’y aura pas de miracle. Pour qu’un joueur se forme, il faut qu’il y ait tout un processus qui soit respecté et surtout financé. On attribue près de 20 millions par an aux déplacements, aux organisations, à la formation, à tous les outils de développement. Si nous on ne fait pas ça, personne ne va le faire », martèle le président, inquiet de devoir partager une partie de ce gâteau avec une ligue à l’appétit vorace. « Il faut comprendre que l’on a un rôle à jouer et que l’on doit protéger les moyens qui nous permettent de faire ce que l’on fait. »