— Publié le 9 mai 2023

Aux Etats-Unis, la loi Rodchenkov tient son premier coupable

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Une nouvelle page de l’histoire ou une affaire sans lendemain ? Pour la première fois, un homme a été inculpé par la justice américaine pour avoir fourni des produits dopants à des athlètes. Pour la première fois depuis sa promulgation, la loi Rodchenkov a été utilisée par un tribunal aux Etats-Unis pour condamner un individu dans une affaire de dopage.

L’Américain Eric Lira, 43 ans, un thérapeute qui se présente comme un médecin « kinésiologue et naturopathe », a été inculpé lundi 8 mai par la justice de son pays. Il avait plaidé coupable d’avoir fourni des produits dopants à plusieurs athlètes aux Jeux de Tokyo 2020, dont la sprinteuse nigériane Blessing Okagbare (photo ci-dessus).

Sa peine sera déterminée plus tard, mais il encourt jusqu’à 10 ans de prison. Eric Lira est installé à El Paso, au Texas. Selon son témoignage, il a fourni des produits dopants à Blessing Okagbare avant les Jeux de Tokyo. La Nigériane, suspendue pour une durée de 11 ans par l’Unité d’intégrité de l’athlétisme (AIU), avait été exclue de la compétition avant les demi-finales du 100 m féminin. Un contrôle effectué le 19 juillet avait révélé la présence dans ses échantillons d’hormone de croissance.

Un autre athlète lié au thérapeute texan, le Suisse Alex Wilson, recordman national sur 100 et 200 m, a lui aussi été suspendu pour dopage.

Selon le bureau du procureur de Manhattan, Damian Williams, Eric Lira avait conseillé à ses athlètes d’attribuer leurs éventuels tests positifs à de la viande contaminée, alors qu’il savait parfaitement que les tests pouvaient détecter la présence de produits dopants.

Au premier regard, l’affaire Eric Lira se distingue peu des multiples cas de dopage révélés dans l’athlétisme international. Mais les Américains veulent bien le jurer sur la Bible : elle marque un tournant dans la lutte contre la tricherie dans le sport.

Le Texan est en effet devenu officiellement, lundi 8 mai, la première victime de la loi Rodchenkov. Votée le 4 décembre 2020, elle a pris le nom de l’ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou, Grigory Rodchenkov, à l’origine des révélations sur le dopage organisé en Russie entre 2011 et 2015. Le Russe est aujourd’hui réfugié aux Etats-Unis.

Présentée aux Etats-Unis comme une avancée historique, mais critiquée par une partie du mouvement sportif, la loi autorise la justice américaine à poursuivre toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, impliquées dans un système international de dopage.

Réaction sans mesure de Damian Williams : « Cette condamnation est un moment décisif : elle marque un tournant pour le sport international. Eric Lira a fourni des substances interdites destinées à améliorer les performances des athlètes, qui souhaitaient obtenir un avantage par la corruption. De tels efforts pour saper l’intégrité du sport vont à l’encontre de l’objectif des Jeux olympiques, à savoir mettre en valeur l’excellence athlétique grâce à des règles du jeu équitables. Ses efforts pour pervertir cet objectif ne resteront pas impunis« .

Même son de cloche chez Travis Tygart, le patron de l’Agence antidopage américaine (USADA) : « Sans cette loi, celui qui se présentait comme un médecin pour les athlètes aurait probablement échappé aux conséquences de sa distribution de produits dopants et de son complot visant à escroquer les Jeux olympiques de Tokyo. »

Sans doute. Mais la loi Rodchenkov ne date pas d’aujourd’hui. Elle a été promulguée il y a presque deux ans et demi. A ce jour, elle n’a épinglé qu’un seul acteur impliqué dans une affaire de dopage.