— Publié le 10 août 2022

« Plus de 100 de nos athlètes sont déjà morts »

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Le document se sert de peu de mots, seulement une dizaine de courts paragraphes, mais ils en disent très long. Il est signé Vadym Guttsait, le ministre ukrainien de la Jeunesse et des Sports et président de la fédération nationale d’escrime (photo ci-dessus, au centre, entre Sergey Bubka et Thomas Bach).

En début de mois, l’ancien escrimeur et arbitre international, champion olympique au sabre par équipe aux Jeux de Barcelone en 1992, a envoyé un courrier à la Fédération internationale d’escrime (FIE), à son président par intérim, le Grec Emmanuel Katsiadakis, et à toutes les fédérations nationales membres de l’instance.

La lettre porte l’en-tête de la Fédération ukrainienne d’escrime. FrancsJeux en a eu connaissance.

Près de six mois après le début de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, Vadym Guttsait parle de la guerre. Il en parle sans forcer le trait, en relatant les faits, leur horreur et leurs victimes.

« La Russie continue sa guerre sanglante contre l’Ukraine et le peuple ukrainien, écrit Vadym Guttsait. Chaque jour, la Russie bombarde les villes de l’Ukraine, pas les cibles militaires, mais les maisons des civils. Un nombre considérable d’hommes, de femmes et d’enfants ukrainiens meurent chaque jour à cause des attaques russes« .

Le ministre ukrainien l’explique dans son courrier : la guerre a déjà fauché plusieurs membres de la communauté de l’escrime. Il cite les noms de Mykola Khomrovyi, le père de la sabreuse Olena Khomrova, championne olympique par équipe aux Jeux de Pékin en 2008, et de l’athlète handisport Volodymyr Motylchuk. Les deux hommes ont été tués dans la même ville, Mykolaïv, située au sud du pays.

« Plus de 3.000 athlètes sont partis à la guerre pour défendre leur pays, détaille Vadym Guttsait. Plus de 100 d’entre eux sont déjà morts. Il est impossible de poursuivre un entraînement sportif sous les attaques aériennes et les tirs d’artillerie. De plus, 111 installations sportives ont été détruites à ce jour par les Russes, dont l’un des plus grands centres d’escrime, le Club « Unifekht » à Kharkiv. Des milliers de jeunes athlètes sont obligés de quitter leur maison pour échapper à la guerre. »

Dans son courrier, le dirigeant ukrainien exprime ensuite ses remerciements à la FIE et aux fédérations nationales pour leur soutien, notamment en aidant l’équipe nationale et des douzaines de jeunes escrimeurs à participer aux compétitions officielles, mais aussi en leur offrant un toit et un abri.

Puis Vadym Guttsait évoque les athlètes. Ceux du camp d’en face. Les athlètes russes et biélorusses. « Aucun athlète russe ou biélorusse ne s’est exprimé contre la guerre, relève-t-il. Par conséquent, la Fédération ukrainienne d’escrime demande instamment à la FIE et à toutes les fédérations nationales de suivre les recommandations du CIO et ne pas autoriser les athlètes russes et biélorusses à participer aux compétitions officielles, même sous le drapeau de la FIE. »

Vadym Guttsait termine ainsi son courrier, signé de son nom et de son titre de président : « La Fédération ukrainienne d’escrime estime que les athlètes russes et biélorusses devraient être autorisés à participer aux tournois internationaux seulement après la fin de cette guerre sanglante. »

Depuis la recommandation de la commission exécutive du CIO aux fédérations internationales de bannir les athlètes russes et biélorusses, l’escrime a choisi une position radicale. Le comité exécutif de la FIE a décidé, lors de sa réunion du 2 mars dernier, de bannir les athlètes russes.

Sa décision a été contestée devant les tribunaux par la Fédération russe d’escrime. Son président, Ilgar Mammadov, a demandé une participation des escrimeurs russes sous couvert de neutralité. Mais sa demande a été rejetée par la FIE.