— Publié le 13 juin 2022

« Le monde n’est pas seulement anglophone »

Institutions Focus

Il était temps. A deux ans et une poignée de semaines des Jeux de Paris 2024, la francophonie sportive se réveille et se secoue. Depuis le début de l’année, trois nouveaux sports se sont dotés d’une association francophone, dont deux olympiques.

L’escrime a initié le mouvement avec le lancement, à la mi-mars, de l’Alliance Francophone d’Escrime (AFE). Le surf a suivi, annonçant la naissance de l’Union Francophone de Surf (UFS). Le squash a accroché à son tour un wagon, avec la création au début du printemps de l’association Squash et Francophonie.

Autre signe : l’organisation les 7 et 8 juillet à Paris d’un séminaire d’échanges, ‘Vers une francophonie sportive multilatérale et structurée« , à l’initiative de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Le président de l’association Squash et Francophonie, le Français Jacques Fontaine, ancien président de la fédération internationale (World Squash), a répondu aux questions de FrancsJeux.

FrancsJeux : Pourquoi avoir créé maintenant, en 2022, une association francophone du squash ?

Jacques Fontaine : L’idée était dans l’air depuis un moment. Mais il a fallu un concours de circonstances pour la concrétiser. Je suis désormais déchargé de certains mandats dans les instances internationales, en raison de la limite d’âge, donc plus disponible pour une telle initiative. Dans le même temps, le nouveau président de la confédération africaine de squash, Lucky Mlilo, s’est montré motivé par le projet. Il m’a incité à passer à l’acte. Nous nous sommes dits que le moment était venu d’organiser la francophonie du squash.

Quel est l’objectif de cette association ?

Dans un premier temps, regrouper les bonnes volontés et re-motiver certains pays francophones. Ensuite, nous avons pour objectif de structurer l’activité et la pratique, via la formation, la fourniture d’équipements et l’accueil d’athlètes, d’entraîneurs et d’officiels. Le squash peut aussi accompagner le renouveau de la francophonie sportive. Douze sports possèdent aujourd’hui une association francophone, dont trois ont été créées cette année en l’espace de quelques semaines.

Que représente aujourd’hui la francophonie dans l’univers du squash ?

Peu de choses. Notre sport est dirigé par les anglophones. Cette main-mise du monde anglo-saxon se révèle d’ailleurs un problème majeur du squash. Les anglo-saxons cherchent plus à le contrôler qu’à le développer. J’ai pu constater moi-même lors des derniers Jeux du Commonwealth, sur la Gold Coast en 2018, tout ce que cet événement pouvait apporter à ce sport, notamment sur le plan financier. Mais le devenir du squash passe par un développement de la pratique dans les pays non anglophones. L’espace francophone, mais aussi l’Amérique du sud et centrale, et la Chine occidentale. La francophonie ne règlera pas tout, mais elle peut servir d’aiguillon pour le reste du monde, en particulier les pays hispaniques et la Chine.

Vous suggérez que le développement du sport est freiné par l’omniprésence des anglo-saxons ?

Bien sûr. Nous avons échoué cinq fois de suite dans notre tentative d’intégrer le programme olympique. Ca n’est pas un hasard. Nous n’y arriverons pas sans un développement plus international. Le squash n’est pas aujourd’hui un sport universel. Pour participer aux championnats du monde, il faut seulement avoir les moyens de se payer le voyage et les frais de participation. Nous devons élargir la base. Pour cela, la francophonie peut servir d’exemple pour les autres nations.

Les deux univers, francophone et anglophone, ont-ils vraiment une approche du mouvement sportif très différente ?

Complètement. Ce ne sont pas les mêmes mondes. La communauté anglophone est plus puissante et développée. Mais elle cannibalise le mouvement sportif par sa vision et ses méthodes. Le Commonwealth, mais aussi les Etats-Unis. On ne peut pas prendre le risque de s’américaniser au sens le plus large du terme. Cette puissance de la communauté anglophone constitue l’un des problèmes du sport dans le futur. Le modèle anglo-saxon ne correspond pas forcément à tout le monde, aux centaines de millions de pratiquants dans le monde.

Les Jeux de Paris 2024 peuvent-ils contribuer à rééquilibrer la balance ?

Absolument. Nous pouvons en faire une plateforme. Ces Jeux constituent une occasion unique, une opportunité à ne pas laisser échapper. Ils peuvent servir à dynamiser la francophonie sportive, élargir sa vision et la repositionner. Il ne faudra pas rater le coche, car une telle occasion ne se représentera pas de sitôt. Le monde n’est pas seulement anglo-saxon et anglophone.

Comment peut-on expliquer le renouveau de la francophonie sportive ?

La perspective des Jeux de Paris 2024, sans doute. Et, par ailleurs, plusieurs éléments fondateurs. A l’escrime, l’arrivée de Sylvie Le Maux, très engagée depuis longtemps dans la francophonie sportive, comme directrice générale de la fédération française. Au surf, la présence de Jean-Luc Arassus, l’ancien président de la fédération française, au comité exécutif de l’instance internationale (ISA). Enfin, mon implication plus active dans l’univers francophone après la fin de mes mandats internationaux.