— Publié le 21 mars 2022

Sergey Bubka : ‘Je prends parfois des somnifères’

Institutions Focus

Il était resté très silencieux depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, refusant les sollicitations des médias. Sergey Bubka est sorti de son silence. Sans surprise, l’ancien perchiste s’est exprimé pour le CIO, sa « deuxième maison« , dont il est membre de la commission exécutive.

Président du Comité olympique ukrainien, Sergey Bubka a répondu longuement à une interview conduite par l’instance basée à Lausanne. L’interview, une formule très rarement utilisée par le CIO, surtout avec ses officiels. L’ex légende de l’athlétisme s’y raconte sans langue de bois, exprimant ses craintes pour l’avenir de son pays et ses inquiétudes pour la sécurité de ses athlètes.

« Jour après jour, je passe chaque seconde à coordonner les efforts avec le CIO, l’équipe de mon CNO, les fédérations nationales et le gouvernement afin de localiser les athlètes, les entraîneurs et leurs familles, puis de déterminer comment nous pouvons les aider au mieux« , explique Sergey Bubka, sollicité peu de temps après le début du conflit par le CIO pour coordonner, depuis Lausanne, l’aide apportée à la communauté olympique ukrainienne. Le CIO a débloqué la somme de 200.000 dollars aux premiers jours du conflit pour lancer la mécanique de l’aide du mouvement olympique.

Sergey Bubka explique : « Les communications avec les gens là-bas sont constamment interrompues et nous sommes très inquiets pour leur sécurité. Je passe toute ma journée en réunion et au téléphone. Je peux avoir des dizaines d’appels en quelques minutes seulement. Il m’arrive de m’endormir à minuit avec le téléphone à la main. Mais comme tous les Ukrainiens, j’ai du mal à dormir tous les jours. Alors je me réveille à nouveau à trois heures du matin et me tourne vers mon téléphone pour passer d’autres appels et échanger des messages avec ma famille, mes amis, les athlètes et les autres membres de notre communauté sportive. Je prends parfois des somnifères, mais ils ne me permettent de dormir que quelques heures de plus avant que le sommeil ne soit à nouveau interrompu. »

Pour Sergey Bubka, 58 ans, membre du CIO depuis 2008, il ne fait aucun doute que les athlètes ukrainiens doivent continuer à concourir, malgré la guerre, malgré les risques et les difficultés à s’entraîner et voyager. « Nos athlètes peuvent inspirer les autres en montrant la résilience du peuple ukrainien, explique-t-il dans l’interview réalisée par le CIO. Ils peuvent  aider à envoyer un message de solidarité et de paix ».

Yaroslava Mahuchikh l’a écouté. A 20 ans, la jeune Ukrainienne a décroché le titre mondial en salle du saut en hauteur, samedi 19 mars à Belgrade (Serbie). Avec 2,02 m, elle a musclé son palmarès d’une première victoire planétaire, après sa médaille de bronze l’été dernier aux Jeux de Tokyo.

La jeune femme a raconté son périple pour rallier la capitale serbe et participer aux Mondiaux d’athlétisme en salle. Elle a dû quitter son domicile de Dnipro, en Ukraine, passer plusieurs jours à l’abri des attaques russes, réfugiée dans une cave. Puis elle a voyagé pendant trois jours et près de 2.000 kilomètres en voiture pour rejoindre la Serbie.

« C’était très important pour moi, ma famille, mon pays, a-t-elle déclaré à BBC Sport après sa victoire. Sauter ici était très difficile psychologiquement parce que mon cœur reste dans mon pays. Mais je crois qu’il fallait le faire. Je cherche à protéger mon pays, sur la piste, sur le sautoir. »

Yaroslava Mahuchikh a décroché le titre mondial en l’absence de la favorite, Mariya Lasitskene, la championne olympique. La Russe était absente de la compétition, comme tous les autres athlètes de son pays. Elle en était exclue après la décision de World Athletics de bannir les athlètes russes et biélorusses. Elle sera encore tout le reste de la saison. Sa jeune rival ukrainienne, de son côté, avoue ne pas savoir grand-chose de son avenir immédiat. Elle vit au jour le jour, avec la crainte du lendemain.