— Publié le 1 août 2021

Laurel Hubbard, plus un débat mais encore des questions

Tokyo 2020 Focus

Peu fréquent. Et même, allez, exceptionnel. Lundi 2 août, une large colonie de médias se rendra en procession au Tokyo International Forum, le site d’haltérophilie des Jeux olympiques. L’épreuve du jour, la catégorie des + 87 kg femmes, s’annonce comme l’un des événements de la deuxième semaine. Elle le doit à une seule concurrente.

Laurel Hubbard, la représentante néo-zélandaise, ne semble pas destinée à repartir du Japon avec une médaille d’or en poche. Mais elle marquera l’histoire du mouvement olympique comme étant le première athlète féminine ouvertement transgenre à participer aux Jeux.

Née homme, elle a débuté sa carrière d’haltérophilie chez les garçons, s’offrant un record de Nouvelle-Zélande junior. Passée la trentaine, Laurel Hubbard a décidé de changer de sexe. Après un break d’une quinzaine d’années de sa discipline de jeunesse, elle est revenue au sport il y a seulement cinq ans.

Sa sélection olympique, Laurel Hubbard l’a décrochée sur les plateaux et dans les laboratoires. Elle a réussi les quotas sportifs exigés par la Fédération internationale d’haltérophilie (IWF). Elle a également satisfait aux critères médicaux établis par l’instance internationale : un taux de testostérone inférieur à 10 nanomoles par litre de sang pendant une période de 12 mois consécutifs.

Mark Cooper, le responsable de la communication de l’IWF, résume : « L’haltérophilie cultive les valeurs de l’olympisme, dont l’inclusion. Laurel ayant répondu à tous les critères de qualification, nous sommes très heureux de lui avoir accordé le droit, comme à tous les athlètes ayant satisfait aux mêmes exigences sportives, de participer aux Jeux de Tokyo. »

Pour l’IWF, son cas ne fait pas débat. Pour le CIO non plus. Christian Klaue, le porte-parole de l’instance olympique, a expliqué cette semaine que les qualifications aux Jeux étaient la responsabilité des fédérations internationales. « Le CIO n’intervient pas, a-t-il précisé. Nous avons donc suivi la décision de l’IWF, sur ce cas précis comme pour tous les autres. »

Il n’empêche, la question de la participation des athlètes transgenres aux compétitions sportives internationales n’est pas réglée. Elle pourrait même ne jamais l’être tout à fait. Le CIO a publié en 2015 un document censé servir de ligne directrice aux fédérations internationales sur la question des athlètes transgenres. En 2019, l’instance olympique a entamé une vaste consultation dans le but de le mettre à jour. Elle a ratissé large, prenant en compte les aspects scientifiques et légaux, mais aussi la question des droits humains. La nouvelle version n’a pas encore été finalisée.

Aux Jeux de Tokyo, la participation de Laurel Hubbard n’est contestée par personne, au moins ouvertement. Mais une question reste sans réponse : la Néo-Zélandaise bénéficie-t-elle d’un avantage physique sur ses rivales ? A 43 ans, elle avoue dix ans de plus que la plus âgée des autres compétitrices. Elle a quitté la scène sportive pendant une quinzaine d’années. Depuis son retour, elle a été victime d’une sérieuse blessure. Elle lorgne pourtant sur le podium, ou au moins sur une place de finaliste.

Richard Budgett, le directeur médical et scientifique du CIO, le reconnaît : les études manquent aujourd’hui pour apporter une réponse scientifiquement crédible à la question de son avantage. « Les sportifs transgenres à haut niveau sont encore très rares, a-t-il expliqué cette semaine à l’occasion d’une table ronde organisée pour quelques médias, dont FrancsJeux. Les données restent donc insuffisantes. Mais le sujet est très complexe. La question de l’avantage d’une athlète transgenre diffère selon les sports, les disciplines et même les individus. »

A Tokyo, Laurel Hubbard est devenue bien malgré elle l’une des attractions des Jeux. Le comité olympique néo-zélandais la décrit comme « personne discrète » et explique vouloir la protéger de l’attention des médias. Deux de ses représentantes étaient présentes lors de la table ronde organisée vendredi 30 juillet. Elles ont pris des précautions extrêmes pour parler d’elle en son absence.

Mais la secrétaire générale du comité olympique néo-zélandais, Kereyn Smith, a lu pour l’assistance une déclaration de l’haltérophilie. « Les Jeux olympiques sont une célébration à l’échelle mondiale de nos espoirs, nos idéaux et nos valeurs. Je félicite le CIO pour son engagement à rendre le sport inclusif et accessible. » Signé Laurel Hubbard.