— Publié le 29 juin 2021

A Lausanne, l’AIBA affiche son ambition olympique

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Elle est toujours suspendue du mouvement olympique, son passé reste trouble et sa réputation est à reconstruire. Mais l’AIBA, présidée depuis l’automne dernier par le Russe Umar Kremlev (photo ci-dessus, au centre), semble avoir retrouvé prestance et élégance. L’instance mondiale de la boxe l’a affiché lundi 28 juin, depuis Lausanne, à l’occasion d’une conférence de presse aux allures de renaissance.

Pour l’occasion, l’AIBA s’est choisie un lieu de prestige, l’hôtel Beau-Rivage Palace, connu du mouvement olympique pour héberger régulièrement les membres du CIO en visite à Lausanne. Un choix qui ne doit sûrement rien au hasard.

A lui seul, le casting de la conférence de presse en a dit long sur la volonté de l’AIBA de se montrer sous un nouveau jour, après le sulfureux épisode Gafur Rahimov.

Au centre de la tribune, Umar Kremlev, le président de l’instance, s’exprimant en russe sur un ton posé, sans un mot plus haut que l’autre. « Nous savons tous que ce qui s’est passé avant nous était, pour le dire crûment, un crime », a osé le dirigeant russe.

A sa droite, l’Américain Roy Jones Jr. (photo ci-dessus, 2ème en partant de la gauche), multiple champion du monde professionnel, venu témoigner sans retenir son émotion de son expérience olympique, sa défaite en finale des Jeux de Séoul en 1988 face à son rival sud-coréen, au terme d’un combat qu’il avait pourtant dominé de toute sa classe. « Je veux vraiment m’impliquer et faire partie de la solution »,  a suggéré l’Américain.

Autre invité de marque, appelé à s’exprimer depuis le Canada en mode virtuel : Richard McLaren, la nouvelle recrue de l’AIBA, sollicité par Umar Kremlev pour remuer le passé sans retenir ses gestes, avec mission de faire toute la vérité sur la tricherie des ex arbitres et la corruption des anciens dirigeants.

Le juriste canadien l’a reconnu sans chercher ses mots : il n’aurait pas accepté la mission confiée par l’AIBA sans l’assurance de pouvoir enquêter en toute indépendance. « Nous avons commencé à travailler seulement depuis le 10 juin, mais nous l’avons fait jusqu’a maintenant avec une excellente coopération de la part de l’AIBA en termes d’informations au jour le jour », a assuré Richard McLaren.

Le Canadien a expliqué que l’enquête de son équipe se déroulerait en deux phases. La première se penchera sur les défaillances des juges, notamment aux Jeux de Rio 2016, où les 36 arbitres affectés à la compétition ont tous été suspendus. Un premier rapport devrait être présenté à la fin du mois d’août.

Dans un deuxième temps, Richard McLaren se concentrera sur l’activité des dirigeants de l’AIBA depuis 2006, avec l’ambition de faire la lumière sur d’éventuels actes de corruption, violation des règles sportives ou manipulations des compétition ou des élections. Vaste programme.

En prime, l’AIBA a confié au professeur Ulrich Haas, présent lui aussi lundi 28 juin lors de la conférence de presse à Lausanne, la tâche de mener une réforme en profondeur sur la gouvernance de l’instance. Il pilotera un groupe d’experts juridiques, censé examiner les structures de gouvernance actuelles et faire des recommandations concrètes pour de nouvelles améliorations.

Enfin, l’AIBA annonce finaliser actuellement un accord avec un cabinet comptable pour conduire un audit indépendant de ses finances.

La route s’annonce longue. Le CIO, notamment, aura sans doute besoin d’un peu plus qu’une poignée de promesses et quelques belles paroles prononcées dans la salle d’honneur d’un palace lausannois pour réintégrer l’AIBA dans le giron du mouvement olympique.

Umar Kremlev le sait. Il veut se montrer patient, mais sans perdre son temps. « Nous avons nommé les meilleurs experts indépendants, pour nous orienter vers les normes les plus élevées en matière de gouvernance et d’intégrité sportive, a-t-il expliqué lundi 28 juin à Lausanne. Nous avons également assuré la stabilité financière de notre organisation, grâce au parrainage de Gazprom, avec un soutien commercial à venir. Mais nous ne nous arrêterons pas là. Tout cela entre dans le cadre de l’énorme changement que nous proposons, qui permettra aux boxeurs d’être sûrs de leur avenir, d’être assurés d’être jugés équitablement et de recevoir une récompense financière pour leurs combats ».

A moins d’un mois de l’ouverture des Jeux de Tokyo, Umar Kremlev et l’AIBA ont tiré un trait sur l’événement. Ils n’en seront pas. Mais ils ne font pas mystère de leur objectif : retrouver leur place dans le mouvement olympique pour les Jeux de Paris en 2024. Tout autre scénario serait un échec.