— Publié le 26 mai 2021

Au Japon, un partenaire des Jeux appelle à leur annulation

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L’affaire est d’importance. A moins de deux mois de l’ouverture des Jeux de Tokyo, elle sonne même comme une sirène d’alarme. Pour la première fois depuis la décision du report de l’événement olympique et paralympique, un grand quotidien japonais appelle en toutes lettres à l’annulation des Jeux.

Le quotidien Asahi Shimbun a publié ce mercredi 26 mai un éditorial où il demande sans nuance aux autorités de tirer un trait sur les Jeux de Tokyo. Précision tout sauf anecdotique : l’Asahi Shimbun, en plus d’être l’un des médias les plus lus au Japon, est également partenaire officiel des Jeux olympiques de Tokyo 2020.

« Nous demandons au Premier ministre (Yoshihide) Suga d’évaluer calmement et objectivement la situation et de décider de l’annulation de l’événement cet été, écrit le quotidien dans son éditorial. Nous sommes aujourd’hui loin d’une situation dans laquelle tout le monde peut être assuré de se trouver en sécurité, comme le répète le gouvernement. Malheureusement, cela n’est pas la réalité. »

Traditionnellement plutôt à gauche, le quotidien japonais se montre souvent critique à l’égard du Parti libéral démocrate de Yoshihide Suga, actuellement au pouvoir. Mais sa prise de position, très vindicative, se veut le reflet d’une opinion publique majoritairement opposée à la tenue des Jeux aux dates prévues (23 juillet au 8 août).

Son éditorial du jour, le premier d’un quotidien national appelant à l’annulation de l’événement, a été largement partagé sur les réseaux sociaux. En fin de matinée, il avait recensé plus de 30.000 tweets.

La prise de position d’un média national, par ailleurs partenaire officiel du comité d’organisation, inversera-t-elle le cours de l’histoire ? Peu probable. A moins de deux mois de l’ouverture, les autorités japonaises maintiennent le cap. L’annulation n’est pas à l’ordre du jour. Sauf séisme, elle ne le sera plus. Seiko Hashimoto, la présidente du comité d’organisation, l’a signifié à sa manière en visitant cette semaine l’un des « hubs » de transport du dispositif olympique. Une façon de montrer que les équipes de Tokyo étaient entrées pleinement en phase opérationnelle.

Hasard du calendrier : l’éditorial du Asahi Shimbun a été publié au même moment, à quelques heures près, qu’une très sérieuse étude sur l’impact économique d’une annulation des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo. Elle a été réalisée par l’institut de recherche Nomura.

Selon ses conclusions, la décision de rayer les Jeux de Tokyo du calendrier coûterait au Japon environ 17 milliards de dollars. Mais les calculs établis par les chercheurs japonais pointent tous vers la même analyse : une annulation des Jeux serait moins dommageable pour l’économie du Japon qu’un nouvel état d’urgence. En clair, le pire scénario serait de maintenir l’événement malgré la crise sanitaire, puis d’en payer le prix fort par une nouvelle vague de la pandémie consécutive à la présence dans la capitale de plusieurs dizaines de milliers d’athlètes, entraîneurs, officiels et médias venus du monde entier.

« Une annulation des Jeux aurait un impact économique moindre que les effets d’un nouvel état d’urgence », résume Takahide Kiuchi, un économiste de l’Institut de recherche Nomura.

D’après ses calculs, la première déclaration d’urgence, décidée au printemps 2020, a entraîné une perte économique d’environ 6.400 milliards de yens. La seconde, entre janvier et mars 2021, a pesé d’un poids à peu près égal sur l’économie japonaise. Mais le pire serait encore à venir, avec l’actuel état d’urgence, décidé à la fin du mois d’avril, prolongé jusqu’au 31 mai.

« Nos estimations suggèrent que la décision d’organiser ou non les Jeux, mais aussi celle de limiter ou pas le nombre de spectateurs, devraient être prises en fonction de l’impact sur les risques d’infection, et non du point de vue des pertes économiques directes », insiste Takahide Kiuchi.

Le messages du chercheur est clair : maintenir les Jeux de Tokyo au risque d’une nouvelle flambée de la pandémie de COVID-19 pourrait coûter nettement plus cher que leur annulation.