— Publié le 17 mai 2021

A Tokyo, l’annulation des Jeux glisse vers le terrain politique

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Dans un monde normal, Roger Federer aurait pu fêter son 40ème anniversaire à la cérémonie de clôture des Jeux de Tokyo. Le Suisse changera de décennie le 8 août 2021. Pour ses derniers Jeux, le cadre aurait été somptueux.

A moins de dix semaines de l’ouverture, Roger Federer n’en fait pas mystère : il ignore encore s’il participera aux Jeux de Tokyo. Le. Suisse aimerait une réponse, mais elle ne vient pas. Il l’a suggéré en fin de semaine passée lors d’un entretien à la chaîne de télévision Léman Bleu : « Je pense que ce dont les athlètes ont besoin, c’est d’une décision : est-ce que ça se fait ou ça ne se fait pas ? »

A Lausanne, au siège du CIO, la réponse est formelle : ça se fait. John Coates, le vice-président de l’instance, a encore répété en début de mois que l’annulation n’était pas une option.

A Tokyo, en revanche, le ton se veut moins affirmatif. L’inquiétude gagne chaque jour du terrain au gouvernement métropolitain de la capitale. Et certains responsables ne cachent plus leur scepticisme.

Officiellement, le discours n’a pas changé. La gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike (photo ci-dessus), continue à assurer qu’elle fera tout son possible pour que les Jeux se déroulent en toute sécurité. Mais en coulisses, le propos se révèle moins catégorique.

Un haut fonctionnaire du gouvernement métropolitain, cité par l’agence Jiji Press, a suggéré qu’il serait « peu surprenant que Yuriko Koike déclare l’annulation » de l’événement olympique et paralympique.

La gouverneure de la capitale n’aurait pas caché sa frustration, la semaine passée, lors d’une réunion organisée avant une conférence de suivi de la situation sanitaire. Elle a relevé que le nombre de cas de COVID-19 ne « diminuait pas du tout » malgré un état d’urgence prolongé jusqu’au 31 mai.

Selon le même haut fonctionnaire du gouvernement métropolitain, il serait « difficile d’organiser les Jeux olympiques si les infections continuent à se développer ». Et plus difficile encore, suggère-t-il, de maintenir l’événement dans l’éventualité où l’état d’urgence soit prolongé au-delà du 31 mai.

A en croire certains médias japonais, la décision de Yuriko Koike tiendrait à deux paramètres : l’évolution de la situation sanitaire et l’état de l’opinion. Dans les deux cas, les voyants restent au rouge.

Le dernier sondage en date, publié ce lundi 17 mai par le quotidien Asahi Shimbun, révèle que plus de 80 % des personnes interrogées sont opposées à la tenue des Jeux aux dates prévues. 43 % des sondés sont favorables à une annulation, 40% souhaitent un nouveau report.

Hiroshi Mikitani, le milliardaire japonais fondateur et président-directeur général du groupe Rakuten Inc, en a remis une couche en expliquant que le maintien des Jeux s’apparenterait aujourd’hui à une « mission suicide ». « Avec le retard que nous avons pris pour la vaccination, il devient vraiment dangereux d’accueillir un tel événement international », a-t-il soutenu sur CNN.

A Tokyo, le débat pourrait rapidement prendre une tournure très politique. La campagne pour l’élection à l’assemblée métropolitaine doit débuter le 25 juin, pour un vote prévu le 4 juillet. Selon les dernières estimations, le parti de Yuriko Koike, Tomin First no Kai, devrait se partager les sièges avec le Parti libéral-démocrate du Premier ministre, Yoshihide Suga.

A en croire un dirigeant du Tomin First no Kai, « l’opportunité de faire de l’annulation des Jeux une promesse électorale » n’est pas encore discutée. Mais elle ne serait pas non plus totalement écartée.