— Publié le 31 mars 2021

Les Jeux de Tokyo, un risque sanitaire mais pas économique

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Seiko Hashimoto, la nouvelle présidente du comité d’organisation des Jeux de Tokyo, ne s’y est pas trompé. A peine arrivée le mois dernier dans le bureau laissé vacant par Yoshiro Mori, elle avait expliqué que sa priorité serait de restaurer la confiance parmi le public japonais. A en croire les derniers événements, l’ancienne patineuse de vitesse devra également tenter de retourner l’opinion du milieu médical.

A moins de 120 jours de l’ouverture, alors que la flamme olympique boucle sans incident la première semaine de son tour de l’archipel, les sceptiques se font entendre. Et ils font du  bruit.

Exemple : Norio Sugaya, un spécialiste des maladies infectieuses à l’hôpital Keiyu de Yokohama. L’expert japonais ne croit pas à la pertinence d’organiser les Jeux de Tokyo l’été prochain. Il l’a expliqué à Associated Press : « Il est préférable de ne pas organiser les Jeux olympiques étant donné les risques sanitaires. Ils sont très élevés au Japon. Le Japon est dangereux, ce n’est pas du tout un endroit sûr. Des dizaines de milliers d’étrangers vont entrer dans le pays, y compris les médias, en peu de temps. Les défis vont être énormes. »

A en croire Kyodo News, environ 90.000 étrangers accrédités devraient entrer au Japon pour les Jeux olympiques. Parmi eux, 30.000 athlètes, entraîneurs et membres des délégations. Le reste du contingent, estimé à 60.000 personnes, compte notamment les représentants des médias et les officiels. L’agence de presse japonaise croit savoir que les autorités japonaises souhaiteraient réduire ce nombre de moitié.

Selon Norio Sugaya, une condition préalable à la tenue des Jeux de Tokyo devrait être la vaccination de 50 à 70 % de la  population. A l’heure actuelle, moins de 1 % des Japonais ont été vaccinés, pour l’essentiel des professionnels de la santé. Au rythme actuel de la campagne, le grand public ne rejoindra pas le mouvement avant l’ouverture des Jeux, vendredi 23 juillet.

Autre son de cloche, tout aussi  alarmiste : Toshio Nakagawa. Une sommité, lui aussi, président de l’Association médicale japonaise. Le Japonais observe la courbe des infections au Japon. A l’évidence, il n’y détecte rien de bon. « Pour empêcher une quatrième vague, nous devons agir avec force et extrêmement rapidement », plaide-t-il.

Pour Spencer Fox, chercheur associé à l’université du Texas à Austin, un spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses, les Jeux de Tokyo pourraient devenir en cas de problème une véritable bombe à retardement. « Compte tenu du nombre de personnes qui vont arriver et de la prévalence de la maladie dans le monde, les Jeux pourraient entraîner un grand nombre d’infections et se propager à l’échelle internationale lorsque les gens vont rentrer chez eux, suggère-t-il. Les précautions prévues sont excellentes, mais on ne peut jamais réduire complètement la probabilité d’infections. »

Seule bonne nouvelle du moment, brandie depuis Washington par Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) : l’économie japonaise semble de taille à se relever de tous les scénarios, y compris les plus pessimistes.

L’économiste et femme politique bulgare avance, chiffres à l’appui, que la décision de ne pas autoriser les visiteurs étrangers aura un impact minime sur les caisses du  pays.

« En termes d’impact économique, l’absence de spectateurs venus de l’étranger sera très mineur, a-t-elle expliqué à Kyodo News. Nous avons fait des calculs, nous pouvons aujourd’hui conclure que cette décision ne nuira pas à la reprise économique au Japon. Le pays est doté d’une économie très diversifiée et dynamique. Elle ne dépend pas des revenus tirés de l’organisation des Jeux olympiques. »

Pour Kristalina Georgieva, le Japon pourrait même décider de reporter encore les Jeux – un scénario écarté depuis la première heure – voire de les annuler purement et simplement, sans craindre de voir son économie mettre un genou à terre. « Cela ne serait pas un facteur majeur » pour l’économie japonaise, plaide-t-elle.