— Publié le 29 mars 2021

Pour le cyclisme britannique, une affaire qui fait tache

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Mauvais timing. A moins de 120 jours des Jeux de Tokyo, une nouvelle affaire de dopage enveloppe le cyclisme. Elle concerne la Grande-Bretagne, l’une des nations dominantes de la discipline. Et jette un sérieux doute, rétrospectivement, sur ses performances aux Jeux de Londres en 2012.

A la suite des révélations du quotidien londonien Mail on Sunday, dimanche 28 mars, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a confirmé avoir ouvert une enquête sur l’agence antidopage britannique (UKAD). Cette dernière aurait autorisé British Cycling, la Fédération britannique de cyclisme, à mener ses propres tests en privé après la découverte de traces de nandrolone, un stéroïde anabolisant, dans un échantillon de l’un de ses coureurs.

L’échantillon en question a été prélevé lors d’un contrôle hors compétition, effectué à la fin de l’année 2010. Selon le Mail on Sunday, il aurait contenu un taux anormal de nandrolone.

A ce stade, rien de très concluant. La nandrolone est considérée comme une « substance à seuil », c’est à dire que la quantité trouvée dans un échantillon doit être supérieure à un certain niveau pour justifier une possible sanction d’une organisation antidopage. En prime, l’anomalie dans les chiffres de l’échantillon peut parfaitement être due à un problème médical.

Le problème est ailleurs. Il réside dans la démarche. Au lieu de mener elle-même l’enquête, comme le stipule le Code mondial antidopage, UKAD a alerté British Cycling. Pire : elle lui a donné carte blanche pour plancher seule sur la question, jusqu’à faire appel à des laboratoires privés non accrédités par l’AMA. Une décision totalement contraire aux règlements internationaux en matière de lutte antidopage.

L’équipe britannique avant les Jeux de Londres avait un fort accent Sky Team. David Brailsford, devenu en 2010 manager de la nouvelle formation professionnelle au Royaume-Uni, était alors directeur de la performance de British Cycling. Depuis, il a été pointé du doigt en mars 2018 par un rapport du Parlement britannique l’accusant d’avoir couvert des pratiques dopantes.

Le docteur Richard Freeman, récemment impliqué dans un scandale de dopage et radié le 19 mars dernier de l’Ordre des médecins, oeuvrait de son côté au sein de la cellule médicale.

Pour rappel, la Grande-Bretagne a raflé 12 médailles, dont 8 en or, dans les épreuves de cyclisme aux Jeux de Londres en 2012.

A ce stade de l’affaire, l’AMA joue la prudence. « Nous avons demandé à notre département indépendant de renseignement et d’enquêtes de se pencher sur cette question et de contacter l’UKAD pour obtenir des informations supplémentaires », a sobrement expliqué l’instance.

L’agence britannique antidopage (UKAD), de son côté, a assuré dimanche 28 mars qu’elle allait collaborer avec l’AMA pour lui fournir plus d’informations. « L’UKAD examine actuellement ses archives pour vérifier si les décisions prises en 2011 (sur l’échantillon présentant un taux anormal de nandrolone) ont respecté la procédure régulière définie par l’AMA », a déclaré son porte-parole dans un communiqué.

Quant à British Cycling, elle s’est choisie une ligne de défense assez peu convaincante : l’usure du temps. « Nous ne sommes pas en mesure d’apporter un commentaire complet sur cette affaire à ce stade de l’enquête, car les événements ont eu lieu il y a plus de 10 ans. Et tous les membres de l’équipe de direction impliqués ont cessé de travailler pour British Cycling depuis un certain temps », a déclaré l’instance britannique dans un communiqué.

La Fédération britannique de cyclisme ajoute : « Nous sommes en train d’examiner les documents archivés qui datent de cette époque. Le processus n’est ni simple ni rapide, mais nous partagerons les résultats avec les parties concernées. »