— Publié le 14 janvier 2021

« Avant de partir, j’aimerais voir un pacte de loyauté »

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Une page va bientôt se tourner pour le mouvement sportif français. Denis Masseglia, président du Comité national et sportif français (CNOSF) depuis plus de onze ans, rendra les clefs de son bureau à la fin du mois de juin. Atteint par la limite d’âge (il avoue 73 ans), le dirigeant marseillais ne sollicitera pas un quatrième mandat.

A cinq mois et une poignée de jours de la fin de sa présidence, l’ancien rameur international et professeur de physique veut boucler son parcours sans réduire l’allure. Après une année 2020 qui restera, selon son propre aveu, l’une des plus exigeantes de son mandat en termes de travail et de mobilisation, il aborde la dernière ligne droite avec la volonté de laisser la place nette et en ordre. Il a répondu aux questions de FrancsJeux.

FrancsJeux : Quel est le plus grand défi à relever par le sport français en 2021 ?

Denis Masseglia : Reprendre une activité normale. Tout le reste, dont la signature de textes de loi, est classique. Mais la reprise de l’activité, dans les clubs, est le défi numéro un. La crainte n’est pas seulement économique, elle réside aussi dans l’incertitude quant au comportement des licenciés au moment où ils pourront reprendre une activité sportive. Reviendront-ils ? Sans possibilité de pratiquer, certains passent à autre chose. La reprise sera d’autant plus difficile que la coupure aura été longue. Beaucoup de fédérations sportives sont actuellement en grande difficulté, avec des recettes en baisse mais des charges encore importantes. J’ai été un peu rassuré, en septembre dernier, par la forte demande des pratiquants après plusieurs mois de frustration. Mais il ne faudrait pas que cette demande se traduise par une pratique seulement individuelle. Les licenciés doivent revenir dans les clubs. Le défi est là.

A combien estimez-vous aujourd’hui les chances que les Jeux de Tokyo puissent se dérouler en 2021 ?

Je ne suis pas inquiet pour la tenue des Jeux. Les indications fournies par les autorités japonaises, par le CIO et par le comité d’organisation traduisent toutes une volonté commune de les maintenir. Je suis confiant. La question est plutôt de savoir comment ils pourront se dérouler. Il serait logique qu’il soit demandé à toutes les personnes accréditées d’être vaccinées. Le CIO a justifié sa décision du report, l’an passé, par le pari de la vaccination. Il est trop tôt pour avoir un tableau précis, mais nous saurons nous adapter.

Le projet de Paris 2024 a été, depuis le début, de contribuer à un bond en avant du sport français et de la place du sport dans la société. A 3 ans et demi des Jeux, est-on sur la bonne voie ?

Je ne m’en suis jamais caché, la première année après la victoire de Paris a été décevante. En 2018, les moyens mobilisés par l’Etat pour le sport n’ont pas été à la hauteur des attentes. Depuis, il y a eu des avancées. Le président de la République a envoyé un message fort à l’occasion de la réunion de plus de deux heures tenue en novembre dernier en visioconférence. La création du pass’sport (une aide financière de l’Etat pour l’inscription à un club sportif d’un jeune de moins de 16 ans) serait une mesure phare dans le cadre de l’héritage de Paris 2024. On espère qu’elle sera mise sur pied et qu’elle pourra perdurer. Le pass’sport a été acté avec une enveloppe de 100 millions d’euros en 2021. Il faudrait qu’elle augmente dans les années à venir. La sédentarité des jeunes Français peut devenir une bombe à retardement pour la société. Elle est un enjeu de santé publique et morale. Les choses avancent, mais je reconnais qu’elles avancent moins vite que nous l’avions imaginé.

Votre dernier mandat de président du CNOSF se termine en juin prochain. Que vous reste-t-il à accomplir avant de laisser la main ?

Il me reste cinq mois. Avant d’en terminer, j’aimerais que nous puissions adopter entre nous, dans le mouvement sportif, un pacte de loyauté. Nous avons voté l’acte 1 lors de la dernière assemblée générale, j’aimerais voir l’acte 2 avant la fin de mon mandat. Je voudrais laisser un CNOSF intact, sur le plan économique mais aussi sur sa capacité d’action. Pour reprendre une expression du CIO, j’espère voir émerger de l’unité dans la diversité.

Quelle image aimeriez-vous laisser de vous comme président du CNOSF ?

Je n’aime pas parler de moi. Je fais plutôt partie des gens qui font, par opposition aux gens qui disent. Je m’intéresse plus au fondement d’une action qu’aux paroles. L’aspect grande gueule, apprécié par les médias, n’a jamais été ma priorité. Mais à titre personnel, j’aimerais qu’on retienne le travail colossal accompli pendant des années pour aboutir à un nouveau modèle du mouvement sportif, avec une gouvernance partagée et la création de l’Agence nationale du sport. J’étais bien seul, au début, à militer pour un tel concept. Il a finalement été adopté à 85 % par l’assemblée générale du CNOSF. Cela n’est pas rien.

Vous ne serez plus président du CNOSF au moment des Jeux de Paris 2024. Où et comment aimeriez-vous les vivre ?

Je n’ai aucune exigence. Je les vivrai comme on me le demandera. J’ai participé à leur obtention, le CNOSF a joué un rôle majeur dans cette aventure, depuis le tout début. Mais je ne me préoccupe pas de la suite. Je ne serai peut-être pas un volontaire (rires), mais si je dois jouer un rôle aux Jeux de Paris 2024, ça sera pour rendre service et être utile. J’ai une qualité, c’est l’adaptabilité. Je m’adapterai.