— Publié le 12 janvier 2021

Entre Fasel et Loukachenko, une accolade malvenue

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René Fasel ne craint pas la polémique. Le dirigeant suisse, président de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) et membre du CIO, s’est rendu en personne à Minsk, la capitale de la Biélorussie. Et il s’est entretenu en tête à tête avec l’un des personnages politiques les plus contestés du moment, Alexandre Loukachenko, le chef de l’Etat biélorusse.

La rencontre entre les deux hommes était prévue de longue date. Elle aurait dû se dérouler dès la fin de l’automne dernier, mais René Fasel avait été contraint de la reporter, après avoir été testé positif au coronavirus et placé en isolement en Suisse.

Prévue, donc, et imposée par les circonstances. La Biélorussie est censée organiser au printemps prochain (21 mai au 6 juin) le championnat du monde masculin de hockey sur glace. Elle en partage l’accueil avec la Lettonie.

Seul ennui, mais de taille : les autorités lettones ne veulent plus entendre parler d’une organisation commune avec le voisin biélorusse, secoué par la contestation d’une partie de la population après la réélection douteuse, le 9 août dernier, d’Alexandre Loukachenko.

Pour René Fasel et pour l’IIHF, le sujet est délicat. Retirer à la Biélorussie l’organisation de l’événement ? Pas simple. Préférer le statu quo et maintenir les choses en l’état, jusqu’à ignorer la demande de la Lettonie ? Encore moins simple.

René Fasel a bouclé sa valise et fait le voyage vers Minsk. Dans sa foulée, une petite délégation de l’IIHF composée d’un membre du Conseil, Sergej Gontcharov, et du secrétaire général, Horst Lichtner.

A Minsk, les trois hommes n’ont pas seulement rencontré Alexandre Loukachenko. Ils se sont également entretenus avec Roman Golovchenko, le Premier ministre, par ailleurs président du comité d’organisation du Mondial 2021 de hockey  sur glace, et Sergei Kovalchuk, le ministre des Sports.

Objectif de la visite : vérifier sur place, dans le pays, la capacité de la Biélorussie à co-organiser dans quatre mois le Mondial masculin. Pour reprendre les termes de l’instance internationale, s’assurer de « la bonne organisation de l’événement et de la sécurité des joueurs, des supporters et des officiels » qui se rendront à l’événement.

Face à René Fasel, Alexandre Loukachenko s’est révélé un hôte parfait. Il a accueilli le dirigeant suisse avec les égards d’un chef d’Etat, voire d’un ami proche, jusqu’à lui donner l’accolade. Il lui a donné du « Cher René ». Les réseaux sociaux s’en sont donnés à coeur joie.

Au cours de l’entretien, Alexandre Loukachenko a assuré que le Mondial pourrait se dérouler en toute sécurité. Il a même suggéré que son pays pourrait organiser seul l’ensemble du tournoi, dans l’hypothèse où la Lettonie persisterait dans son souhait de ne plus en partager l’accueil. « Vous verrez le meilleur Mondial de l’histoire », a promis Alexandre Loukachenko.

Mais le chef de l’Etat n’a pas seulement plaidé la cause de son pays. Il a pointé du doigt les Etats-Unis. « Dans notre pays, les manifestants et les contestataires ne prennent pas d’assaut les bureaux du gouvernement et les bâtiments législatifs, a expliqué Alexandre Loukachenko. Nous avons une situation tout à fait normale du point de vue du développement du processus démocratique. »

« Les circonstances en Biélorussie sont différentes depuis l’été dernier. Nous sommes ici pour faire face à la situation et pour trouver des solutions constructives, a commenté René Fasel dans un communiqué. Le processus a commencé ce matin (11 janvier) et se poursuivra avec d’autres réunions à Minsk, puis avec des discussions au sein du Conseil de l’IIHF. »

Le Conseil de l’instance internationale doit débattre de la question du Mondial 2021 lors d’une réunion prévue les 25 et 26 janvier. Une décision définitive est attendue à cette occasion.

A la différence de l’IIHF, le CIO ne s’est pas rendu en Biélorussie pour rencontrer le chef de l’Etat et vérifier, sur place, la situation du mouvement sportif et des athlètes. Mais il a déjà tranché la question, sur la foi de témoignages de sportifs et d’entraîneurs victimes de répression pour avoir participé au mouvement de contestation. L’instance internationale a suspendu Alexandre Loukachenko de toutes activités olympiques. Il ne pourra pas se rendre aux Jeux de Tokyo.