— Publié le 17 décembre 2020

« Le CIO sort renforcé de l’année 2020 »

InstitutionsInterviewNon classé Focus

Son année aurait dû être dominée par les Jeux de Tokyo. Elle a été marquée par leur report de douze mois. Pas simple.

Mais Christophe Dubi, le directeur des Jeux olympiques au CIO, a su passer l’obstacle. Pour preuve sa position en tête du classement de FrancsJeux des personnalités francophones les plus influentes de l’année 2020 dans le mouvement sportif international. Le jury d’experts, de partenaires et de journalistes l’a préféré à Tony Estanguet et Gianni Infantino, classés dans cet ordre juste derrière lui.

Pour FrancsJeux, Christophe Dubi est revenu sur cette année 2020 tellement particulière. Ses moments les plus forts, ses doutes et ses espoirs. Il évoque aussi l’avenir. A moins de deux semaines de basculer vers 2021, le Suisse en fait le serment : les Jeux de Tokyo auront lieu l’an prochain. A 100 %.

FrancsJeux : Que vous inspire votre place en tête de notre classement des personnalités francophones du mouvement sportif les plus influentes en 2020 ?

Christophe Dubi : A la lecture de ce classement, je pense surtout à toutes les personnes qui m’entourent et ont travaillé sans relâche à mes côtés. Le cercle est large, ce qui rend la profession très intéressante. L’administration du CIO, bien sûr, avec le département Jeux olympiques. Les commissions de coordination des futurs Jeux, également, composées d’un groupe de personnes formidables. John Coates, notamment, a accompli un travail titanesque pour les Jeux de Tokyo. Les comités d’organisation, bien sûr, qui sont des partenaires obligés. Personne n’a baissé les bras pour préparer les Jeux de Tokyo 2020, Pékin 2022 et Paris 2024. Le système est colossal, même si une personne se révèle la plus visible.

Le CIO est pour l’essentiel incarné par une poignée de  personnalités, Thomas Bach en tête. Quel édifice se cache derrière Christophe Dubi ?

Le département Jeux olympiques compte une soixantaine de personnes. Mais l’équipe JO au sens plus large en regroupe un peu plus d’une centaine, dont beaucoup sont issues d’anciens comités d’organisation des Jeux, avec des compétences en digital, technologie, finance… Cette équipe est très multiculturelle. Elle possède une grande expérience et beaucoup d’expertise. A cela, il faut rajouter les experts que nous sollicitons sur des sujets où l’évolution s’avère très rapide, comme la sécurité, les transports, la durabilité, l’environnement… Enfin, les partenaires du mouvement olympique nous apportent des solutions clefs en main fondamentales pour les comités d’organisation.

Notre classement recense seulement cinq femmes parmi les 20 personnalités marquantes de l’année 2020. A l’heure où le CIO vient d’instituer la parité aux Jeux de Paris 2024, les institutions sportives ne sont-elles pas à la traîne ?

On peut aussi voir le verre à moitié plein. Avec l’espoir que ce chiffre soit en hausse dans votre classement en 2021. La volonté du CIO d’aller vers la parité est indéniable. L’imposer aux Jeux, qui restent la plus grande et belle vitrine du mouvement sportif, est fondamental. C’est un signe fort. Le train est marche, il ne ralentira plus.

Quel a été le moment le plus difficile que vous ayez vécu au cours de cette très particulière année 2020 ?

Le mois de mars. Le moment le plus difficile, mais en même temps le plus intéressant. Il a été le mois des grandes décisions. L’épidémie évoluait d’un pays à l’autre, avec une situation et des informations qui changeaient presque d’heure en heure. Nous avions des informations disparates, avec des athlètes asiatiques présents en Europe pour des camps d’entraînement, une série d’épreuves pré-olympiques à venir… Nous nous projetions vers le printemps tout en pensant à l’été. Lorsque l’OMS a parlé de pandémie, nous avons compris qu’il nous faudrait prendre une décision. Décaler les Jeux de Tokyo à l’automne semblait encore possible. L’option était sur la table. Et puis, il y a eu cette réunion téléphonique le 23 mars entre Thomas Bach, Shinzo Abe, le Premier ministre japonais de l’époque, et Yoshiro Mori, le président de Tokyo 2020. Une réunion à  laquelle j’ai eu le plaisir d’assister. Elle a décidé du report d’une année des Jeux de Tokyo. Mais à l’heure de faire le bilan de l’année 2020, je ne peux pas oublier les Jeux d’hiver de la Jeunesse à Lausanne. Ils ont été marqués par une mobilisation et un soutien populaire extraordinaires, en particulier chez les plus jeunes. En tant que Lausannois et Vaudois, ça m’a beaucoup touché et rendu fier.

A l’inverse, quel a été le moment le plus satisfaisant de votre année 2020 ?

A chaque fois que j’ai eu le sentiment que les équipes travaillaient dans le même état d’esprit et allaient dans la même direction. Malgré la situation, ces moments ont été nombreux. Le contexte était difficile, mais une énergie positive a pu être maintenue. Le système dans sa globalité a continué à aller de l’avant. Les gens travaillaient chez eux, beaucoup étaient seuls car expatriés, mais il y a eu de l’expertise, de la bienveillance, aucune perte de temps et une envie commune de faire avancer les choses, pour les Jeux de Tokyo, mais aussi pour ceux de Pékin qui vont arriver un peu plus de six mois plus tard.

La crise sanitaire et le contexte particulier de l’année 2020 ont-ils renforcé, ou au contraire fragilisé, le CIO ?

Renforcé, sans le moindre doute. L’année 2020 a renforcé le CIO et le mouvement olympique. L’un et l’autre sont construits sur des valeurs. La solidarité, par exemple. La crise sanitaire et ses effets économiques ont mis en avant la solidarité du mouvement. Elle n’est pas un vain mot. Elle a été très concrète, avec des sommes d’argent apportées à ceux qui en avaient le plus besoin, individus ou institutions. La transparence, également. Pendant toute cette période, tout ce que le CIO savait, les médias, les athlètes, les CNO et les fédérations internationales l’ont su également. Le mouvement olympique a démontré une grande cohésion, notamment les athlètes. Nous les avons beaucoup consultés, car nous savions qu’il nous faudrait connaître leurs sentiments et leurs craintes pour les rassurer et trouver des solutions.

A combien estimez-vous les chances que les Jeux de Tokyo aient lieu l’an prochain, et qu’ils aient lieu dans des conditions normales ?

A la première partie de votre question, je réponds 100 %. Les Jeux de Tokyo auront lieu l’an prochain à 100 %. Pour le reste, tout dépendra des conditions sanitaires. Mais les avancées actuelles sur les tests et les vaccins sont très rassurantes. Malgré tout, les conditions seront lourdes. Nous serons aux Jeux dans un champ de contraintes. Chacun des participants devra respecter un protocole contraignant. Il faudra adopter les bons comportements. Mais réunir tous les pays, rassembler en un même lieu toute la diversité des Jeux olympiques, pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire, s’annonce comme un moment absolument magique.