— Publié le 15 octobre 2020

Après la boxe, l’haltérophilie est dans le viseur du CIO

Institutions Focus

L’haltérophilie rejoindra-t-elle bientôt la boxe, au fond de la classe, sur le banc des punis du mouvement olympique ? La menace est réelle. Elle n’a même sans doute jamais été aussi sérieuse. A moins de quatre ans des Jeux de Paris 2024, l’avenir à moyen terme de la discipline semble ne plus tenir qu’à un fil.

En cause : la gouvernance de son instance internationale. Après avoir connu deux décennies d’un pouvoir despotique exercé par le Hongrois Tamas Ajan, la Fédération internationale d’haltérophilie (IWF) navigue aujourd’hui en eaux troubles. Sa présidente par intérim, l’Américaine Ursula Garza Papandrea (photo ci-dessous), a été destituée mardi 13 octobre par le comité exécutif de l’IWF.

La décision de la pousser dehors a été prise pendant une réunion organisée en visioconférence, à laquelle Ursula Garza Papandrea n’avait pas été conviée. Les membres présents ont été invités à se prononcer par vote sur son exclusion. Treize d’entre eux ont voté pour, trois se sont abstenus. Mais il ne s’en est trouvé aucun pour suggérer de laisser l’Américaine poursuivre son intérim, afin d’aller au bout du patient travail de réformes entamé depuis le renoncement forcé de Tamas Ajan, en avril dernier.

Le comité exécutif de l’IWF ne s’est pas contenté, mardi 13 octobre, de se débarrasser de sa présidente par intérim. Il lui a déjà trouvé un remplaçant, le premier vice-président de l’instance, le Thaïlandais Intarat Yodbangtoey. Seul ennui, mais de taille : le dirigeant asiatique passe pour un proche de Tamas Ajan. Et son pays, la Thaïlande, compte parmi les trois nations dont l’haltérophilie est interdite de participation aux grands événements, dont les Jeux de Tokyo, pour avoir recensé un nombre excessif de cas de dopage au cours des dernières années.

Ursula Garza Papandrea n’a pas tardé à réagir à son éviction. Pour l’Américaine, il ne fait aucun doute que l’ancienne garde continue à faire jouer son influence au sein de l’IWF. Une ancienne garde menée par le Roumain Nicu Vlad et l’Australien Sam Coffa. Le premier serait à l’origine de la réunion en urgence du comité exécutif, mardi 13 octobre.

« Aussitôt que j’ai été en mesure d’apporter des changements, je l’ai fait, a expliqué Ursula Garza Papandrea , citée par AP. Ces gens là ont eu des décennies pour rédiger une nouvelle constitution, ils ont eu des décennies pour réformer, et tout d’un coup ils vont le faire maintenant ? J’en doute vraiment. J’ai des athlètes, des athlètes propres, qui comptent sur moi pour essayer d’apporter des changements. Mais le changement avec ce groupe est tout simplement impossible. »

La mise à l’écarte d’Ursula Garza Papandrea a déjà eu un double effet. Le premier était attendu : la démission du sous-directeur de l’IWF, l’Américain Phil Andrews, par ailleurs directeur général de la Fédération américaine d’haltérophilie. « Il est devenu clair ces derniers mois que tout le monde n’a pas en tête les meilleurs intérêts de notre sport, et nos tentatives de réformes ont rencontré une incroyable résistance », a expliqué Phil Andrews.

La seconde a pu surprendre. Mercredi 14 octobre, le CIO s’est fendu d’un communiqué pour exprimer sa position sur l’annonce de l’exclusion de la présidente par intérim de l’IWF et la désignation de son remplaçant.

« Le CIO est très inquiet d’apprendre la décision prise par le conseil d’administration de la Fédération internationale d’haltérophilie de remplacer la présidente par intérim, Mme Ursula Garza Papandrea, la manière dont cette décision a été prise et le remplaçant choisi, a expliqué l’instance olympique, sans nommer directement le nouveau président thaïlandais. Le CIO a bénéficié d’une excellente coopération avec elle pendant son mandat et soutient pleinement les réformes qu’elle a initiées au sein de l’IWF. Actuellement, le CIO n’a pas reçu toutes les informations lui permettant d’évaluer pleinement la situation dans son ensemble. Cet incident et ses conséquences seront naturellement pris en considération par la commission exécutive du CIO au moment de prendre de nouvelles décisions. »

Jusqu’où ira le CIO ? La suspension de l’AIBA, suggérée par sa commission exécutive puis entérinée en juin 2019 par la session de Lausanne, a démontré que l’instance olympique pouvait frapper fort. Il semblerait logique que l’IWF soit sanctionnée à son tour d’une période de suspension. Mais, comme la boxe, l’haltérophilie pourrait sans doute conserver sa place dans le programme olympique, sous la tutelle et l’organisation du CIO.