— Publié le 5 mai 2020

« Nous discutons avec le CIO pour obtenir une aide »

Institutions Focus

Le report des Jeux de Tokyo a été salué par le mouvement sportif international comme une « sage décision », mais il ne fait pas les affaires des fédérations internationales. Très affectées par la pandémie de coronavirus et l’arrêt des compétitions, elles doivent faire face à une situation économique très incertaine et une trésorerie en souffrance.

Pour les plus fortunées, la crise actuelle ne devrait pas menacer l’avenir à court terme. Pour les autres, rien n’est moins sûr. Jean-Christophe Rolland (photo ci-dessous), le président de la Fédération internationale d’aviron (FISA), par ailleurs membre du CIO, l’a expliqué à FrancsJeux.

FrancsJeux : Comment fonctionne actuellement la FISA ?

Jean-Christophe Rolland : Nous nous sommes mis très tôt en mode de fonctionnement de crise. Le comité exécutif se réunit trois fois par semaine par visioconférence. Il fait preuve d’une très grande réactivité pour prendre les décisions, notamment en ce qui concerne le calendrier des compétitions. Nous avons également réuni à deux reprises le conseil de la FISA. Nous avons adopté les mesures prises par les autorités suisses, en mettant en place dès le début de la crise sanitaire le télétravail. Depuis la fin du mois d’avril, le personnel de la fédération a été placé en chômage partiel.

L’aviron international connaîtra-t-il cette année une saison blanche ?

Oui. La décision est prise. A l’exception des championnats du monde indoor, organisés au mois de février dernier à Paris, toutes les compétitions mondiales estampillées FISA sont suspendues jusqu’à la fin de l’année. Mais la situation sanitaire étant différente d’une région à l’autre, nous laissons aux confédérations continentales la possibilité d’organiser des compétitions à l’automne. Les championnats d’Asie, par exemple, pourraient se tenir avant la fin de l’année. La confédération européenne (ERC) envisage également la tenue des championnats d’Europe au cours de la même saison.

Quel est l’impact économique d’une telle situation pour la FISA ?

Il est encore très difficile de connaître avec prévision sa dimension finale, car nous ignorons la façon dont la pandémie va évoluer. Mais le report des Jeux de Tokyo et l’arrêt des compétitions ont un impact très important sur nos revenus. Nous avons une gestion très prudente, avec un fonds de réserve à notre disposition pour parer à une éventuelle baisse de nos ressources. Mais la situation est préoccupante. Il n’est pas exclu que les subventions versées par le CIO au titre de la redistribution des droits marketing et de télévision soient revues à la baisse après les Jeux de Tokyo. Le report des Jeux occasionne en effet un surcoût, et les revenus seront peut-être inférieurs aux prévisions.

Plusieurs fédérations internationales ont sollicité l’aide du CIO, pour obtenir un versement anticipé des subventions des Jeux de Tokyo 2020. Est-ce le cas de la FISA ?

Nous discutons avec le CIO pour obtenir cette avance de trésorerie. Nous arrivons en fin d’olympiade, notre réserve n’est donc pas forcément suffisante. La subvention du CIO devait intervenir en octobre/novembre 2020, après les Jeux de Tokyo, avec un reliquat versé en début d’année suivante. Nous avons entamé avec le CIO un processus d’évaluation de nos besoins, il est en cours. Face à la situation actuelle, le CIO a choisi à juste titre de ne pas adopter une approche globale, mais de procéder au cas par cas. Pour la FIFA, par exemple, la subvention olympique correspond à l’épaisseur du trait. Pour une fédération internationale comme la FISA, elle est très significative. Mais l’aide du CIO constituera seulement une avance de trésorerie sur la somme à recevoir après les Jeux de Tokyo.

World Athletics a annoncé la semaine passée sa décision de créer un fonds de solidarité de 500.000 dollars pour aider les athlètes les plus en difficulté. Avez-vous le même projet ?

Non. Nous n’en avons pas les moyens. World Athletics et la FISA n’évoluent pas du tout dans les mêmes sphères sur le plan budgétaire. Aujourd’hui, nous en sommes à étudier de façon quotidienne comment réduire les coûts et où appliquer les restrictions. L’an prochain, nous serons probablement contraints de réduire les prestations de services proposées aux équipes et aux rameurs sur les championnats et les étapes de la Coupe du Monde.

Plusieurs fédérations internationales se lancent actuellement dans les compétitions virtuelles pour tenter de combler le vide laissé par l’arrêt des calendriers. Est-ce la bonne voie à suivre ?

J’en suis persuadé. A la FISA, nous n’avons pas attendu la crise sanitaire actuelle pour nous engager dans cette voie. Les prochains championnats du monde indoor, prévus en 2021, se disputeront en grande partie en virtuel. L’effort ne sera pas virtuel, loin de là, ça n’est pas un jeu vidéo, mais l’utilisation de l’ergomètre et des nouvelles technologie permet aujourd’hui de participer à une compétition en ligne depuis son domicile. Les participants aux championnats du monde indoor 2021 seront malgré tout encadrés, avec des lieux de compétition dans de nombreux pays sur tous les continents. Depuis le début du confinement, beaucoup de fédérations nationales ont cherché à animer leur communauté de rameurs avec des épreuves virtuelles. A la FISA, nous avons nous-mêmes lancé une série de challenges à relever à distance.