— Publié le 6 avril 2020

A Tokyo, le village peut entrer dans l’histoire

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Brutal réveil pour le Japon. A 473 jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Tokyo, selon le nouveau décompte, la population de l’archipel a découvert ce lundi 6 avril que le Premier ministre, Shinzo Abe, serait sur le point de décréter l’état d’urgence.

L’information n’est pas encore officielle, mais elle devrait le devenir dans les prochaines heures. Selon le Yomiuri Shinbum, la décision pourrait intervenir dès mardi 7 avril. Elle concernerait la capitale, Tokyo, dont le nombre de personnes atteintes du COVID-19 a dépassé la barre des 1000, mais aussi plusieurs autres grandes villes, dont Osaka.

Face à la flambée de l’épidémie, les Japonais emploient donc enfin les grands moyens. L’état d’urgence en est un, même s’il n’impose aucun confinement obligatoire, les autorités se contentant de demander aux gens de rester chez eux et aux commerces et entreprises de rester fermés.

L’utilisation anticipée du village des athlètes des Jeux de Tokyo 2020 à des fins sanitaires en est un autre. La gouverneure de la capitale japonaise, Yuriko Koike, a évoqué au cours du dernier weekend la possibilité de transformer une partie du complexe olympique en hôpital temporaire où accueillir les malades atteints du COVID-19.

Le village des athlètes doit héberger 11.000 athlètes pendant les Jeux olympiques et 4.400 pour les Jeux paralympiques. Au terme de sa construction, en cours d’achèvement dans la baie d’Ariake, il comptera 24 bâtiments. Ils devaient rester inoccupés jusqu’à son ouverture, en juillet 2021.

Pour Yuriko Koike, l’utilisation du village à des fins sanitaires pourrait être « une option ». « Il n’est pas encore terminé, nous parlons donc des espaces disponibles dès aujourd’hui ou demain, suggère la gouverneure. Nous analyserons chacun d’eux au cas par cas. »

La décision n’est pas encore prise, mais elle pourrait rapidement s’imposer comme une évidence. Le nombre de cas de malades du coronavirus ne cesse d’augmenter à Tokyo. Les autorités ont confirmé le chiffre de 143 nouveaux cas pour la seule journée de dimanche 5 avril. Le nombre de lits sera bientôt insuffisant dans les hôpitaux de la capitale.

Toujours selon Yuriko Koike, le gouvernement métropolitain envisage également d’acquérir un hôtel pour y loger les malades.

Dans sa configuration actuelle, le village des athlètes des Jeux de Tokyo 2020 compte 5.600 appartements. Ils seront transformés après les Jeux paralympiques pour être vendus à des particuliers. Un millier de ces logements est actuellement en vente, certains ayant déjà trouvé preneurs. Le prix de vente est compris entre 500.000 et 2 millions de dollars. Les premiers occupants devraient en prendre possession au début de l’année 2023.

Après les Jeux, le consortium en charge de la construction a prévu de transformer certaines des parties communes du village en espaces commerciaux et de loisirs. Le complexe prendra le nom de Harumi Flag.

A en croire les promoteurs, le projet d’utiliser une partie du village des athlètes dans le cadre de la pandémie de COVID-19 reste, à ce stade, « pure spéculation ». Ils expliquent n’avoir reçu aucune demande officielle du gouvernement métropolitain.

Mais l’idée pourrait rapidement tracer son chemin. Elle ne manque pas d’atouts, au delà de son intérêt purement logistique.

En accueillant des malades, le village pourrait ajouter une nouvelle dimension au concept d’héritage olympique, désormais placé en tête des priorités du CIO et des organisateurs des Jeux, mais souvent difficile à mesurer. Il deviendrait le premier site à anticiper cet héritage plus d’une année avant l’événement. Il serait utile avant, pendant, et après les Jeux. Inédit.

La démarche aurait également un autre mérite : faire plus facilement passer la pilule auprès de l’opinion japonaise du surcoût occasionné par le report des Jeux de Tokyo. Il s’annonce massif. Et, sauf miracle, sera payé par les contribuables.