— Publié le 18 mars 2016

Sepp Blatter, un président à 3 millions d’euros par an

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Les temps changent à la FIFA. L’heure est à la transparence, à la grande lessive et aux effets d’annonce. Prometteur mais pas toujours indolore pour l’institution. A l’initiative de son nouveau président, le Suisse Gianni Infantino, la FIFA a dévoilé au grand jour l’état de ses comptes. Au sens large, sans chercher à masquer certaines lignes. Pour la première fois, elle a rendu public le montant des salaires perçus par ses membres, dirigeants ou salariés.

Le document laisse perplexe sur les pratiques d’un milieu, le football professionnel, où l’argent n’a pas tout à fait la même couleur qu’ailleurs. En tête de la pyramide des salaires, Sepp Blatter. Selon le rapport financier publié jeudi 17 mars, l’ex président empochait 3,72 millions de dollars par an, soit environ 3,2 millions d’euros. Un petit 270.000 euros mensuel. Pas mal. A la question de sa rémunération, l’ex patron du football mondial aimait pourtant répondre, du temps de son règne, toucher « plus ou moins un million de dollars par an ». Il en ramassait en réalité presque quatre fois plus.

Selon Bloomberg, l’indemnité allouée par la FIFA à son ex président serait environ 15 fois supérieure à celle attribuée par le CIO à son président, Thomas Bach. Autre précision: Sepp Blatter continuerait à bénéficier gracieusement des services d’un chauffeur et de la mise à disposition d’un appartement à Zurich. Un double privilège qui pourrait durer jusqu’à la résolution définitive de son différend avec l’institution sur sa suspension de 6 ans. Un « détail » qui explique l’acharnement dont il fait preuve pour contester, appel après appel, le bien-fondé de cette sanction.

En dessous, légèrement distancé mais encore assez bien placé pour ne pas inspirer la pitié, Jérôme Valcke. Le Français, ex secrétaire général de la maison, actuellement poursuivi pour malversation, percevait de la FIFA une rémunération annuelle de 2,17 millions de dollars, environ 1,92 millions d’euros au cours actuel.

Le même sens de la démesure bénéficiait aux membres du comité exécutif. A chacun, la FIFA versait tous les ans 300.000 dollars. L’Africain Issa Hayatou, le premier vice-président, appelé à assurer l’intérim après la démission de Sepp Blatter l’an passé, recevait en prime un bonus de 500.000 dollars, pour présider la commission des finances.

Enfin, le rapport financier dévoilé cette semaine fait état d’une furieuse inflation des honoraires d’avocats payés par la FIFA. Ils s’élevaient à 31,3 millions de dollars en 2014, ils ont grimpé jusqu’à 61,5 millions l’an passé. La firme américaine Emanuel Urquhart & Sullivan LLP, mandatée par la FIFA pour gérer ses relations avec la justice des Etats-Unis et mener l’enquête sur les accusations de corruption, peut se frotter les mains.

Conséquence presque prévisible: l’institution suprême du football a plongé dans le rouge. Une première depuis l’année 2002. La FIFA a perdu 122 millions de dollars l’an passé, un trou d’air provoqué par le scandale de corruption, ses effets sur les dépenses de fonctionnement, légales notamment, et son impact sur les recettes de marketing. A mi-parcours de la période 2015-2018, ses comptes révèlent un retard sérieux sur les prévisions. Il manque à la FIFA 550 millions de dollars, trois fois rien, pour coller à son objectif de 5 milliards de revenus pour le cycle de 4 ans entre les Coupes du Monde 2014 au Brésil et 2018 en Russie.

Partout ailleurs, une telle situation pourrait être jugée alarmante. A la FIFA, on se veut rassurant. » Avec l’adoption de toutes nos réformes, j’ai la conviction que nous avons franchi un cap, suggère Gianni Infantino dans un communiqué. La FIFA va ressortir de cette crise plus forte que jamais. » A voir.