— Publié le 21 octobre 2014

La Suisse, nouvelle terre de l’Ovalie

Institutions Focus

Le choix peut surprendre. Et il en a surpris plus d’un, dans le monde du ballon ovale. A la fin de l’année 2014, la nouvelle instance du rugby européen, l’EPCR (European Professionnal Club Rugby), prendra possession d’un siège social flambant neuf, situé dans une rue piétonne de… Neuchâtel, en Suisse. Elle quittera Dublin, en Irlande, sa terre natale, où elle a vécu jusque-là sous le nom d’ERC (European Rugby Club).

Nouveau nom, donc, tout à la fois pour l’organisation et pour sa compétition majeure, désormais baptisée European Rugby Champions Cup. Surtout, nouveau siège. Adieu l’Irlande, bonjour la Suisse. Un déménagement qui permettra à l’EPCR de briser un certain isolement, dit-on dans son entourage, en se rapprochant des quelques 47 institutions sportives déjà installées entre Zurich, Lausanne et le canton de Vaud.

A Neuchâtel, l’EPCR occupera le dernier étage d’un bâtiment historique longtemps laissé à l’abandon, rénové récemment par un promoteur immobilier. Elle partagera les lieux avec différentes sociétés, étrangères pour certaines. Les travaux avancent bon train. Les 400 m2 dévolus à l’EPCR devraient être livrés au mois de décembre.

Pourquoi un tel déménagement? Le magazine Midi Olympique a mené l’enquête, entre Dublin et Neuchâtel. Et découvert, sans grande surprise, que l’explication était double. En quittant l’Irlande, l’institution européenne du rugby ambitionne de trouver une certaine forme de neutralité, au sortir d’une crise qui a bien failli scinder l’Europe du rugby en deux, les clubs des pays les plus riches ayant longtemps menacé de créer leur propre compétition. Or, quel meilleur endroit que la Suisse pour s’éloigner des querelles de clochers?

L’autre raison, la principale, s’avère plus matérielle. En Suisse, l’EPRC pourra bénéficier, comme toutes les autres organisations sportives internationales, d’un statut fiscal et juridique unique en son genre. L’avocat Jean-Jacques Bertrand, un spécialiste du sport, explique dans Midi Olympique: « L’intérêt financier d’aller en Suisse est plus important que de rester en Irlande pour les dirigeants du rugby européen. Et pourtant, la fiscalité irlandaise est déjà très avantageuse. Sauf que des tiers peuvent avoir accès aux comptes de la société et que l’Irlande n’est pas à l’abri de la réforme fiscale imposée par Bruxelles. Pour être à l’abri de toute publication des comptes, mieux vaut être situé en Suisse (…) Je vous mets au défi de trouver le montant des actifs et les placements réalisés par le CIO, la FIFA ou d’autres fédérations internationales de sport installées en Suisse. Personne ne le sait. »

Seulement un tiers des effectifs de l’ex ERC effectuera le déménagement de Dublin à Neuchâtel. Les nouveaux salariés de l’EPCR devraient rapidement voir les comptes du rugby européen gonfler comme la grand-voile. Avec des gagnants tout désignés: les clubs. « On redistribuera plus que par le passé », assure le nouveau directeur général de l’EPCR, le Français Jacques Pinault, ancien dirigeant de Michelin et du Clermont-Auvergne. L’objectif de 80 millions de recettes pour la première année sera sans doute difficile à atteindre. Mais les clubs peuvent espérer se partager, à horizon 2018, un pactole de 100 millions d’euros.