— Publié le 17 mars 2020

Reporter les Jeux ? Les athlètes le demandent

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Le vent tourne. A moins de 130 jours de l’ouverture prévue des Jeux de Tokyo 2020 – très précisément J – 129 ce mardi 17 mars – l’opinion est en train de changer dans le monde sur la question du maintien de l’événement olympique et paralympique.

Au Japon comme ailleurs, le scénario d’un report n’est plus observé avec dégoût. Il est même souhaité, y compris par certains des premiers concernés, les athlètes.

Premier changement de tendance : l’opinion japonaise. Les Japonais sont de plus en plus nombreux à exprimer publiquement leur désir d’un report des Jeux de Tokyo. Ils ne craignent plus de manifester leur opposition à la confiance sans nuance des organisateurs et des autorités politiques.

Un sondage réalisé par l’agence de presse Kyodo News auprès de 1000 personnes, publié lundi 16 mars, révèle que 69,9% des Japonais interrogés ne croit plus possible la tenue des Jeux de Tokyo aux dates initiales (24 juillet au 9 août 2020).

Selon une autre enquête d’opinion, conduite par la chaîne de télévision publique NHK du 6 au 9 mars, pas moins de 45% des Japonais se disent désormais opposés au maintien des Jeux à la période prévue. Les partisans d’un report de l’événement sont plus nombreux que les sondés se déclarant favorables à leur maintien (40%).

Les athlètes, maintenant. En Europe, où un nombre grandissant de pays impose le confinement de la population, les premiers acteurs des Jeux se font aujourd’hui entendre pour appeler, ou au moins souhaiter, un report des Jeux de Tokyo 2020.

Kevin Mayer, le recordman du monde du décathlon, le fait dans les colonnes de l’Equipe. Contraint à une préparation réduite à sa plus simple expression, à son domicile de Montpellier, le Français n’a toujours pas réalisé le minima pour les Jeux de Tokyo. Il ignore s’il pourra trouver une compétition où le réussir au cours des mois à venir.

« J’aimerais vraiment qu’ils reportent les Jeux, qu’ils ne les annulent pas, explique Kevin Mayer. Je n’ai pas les informations et les connaissances médicales nécessaires. Mais je suis très matheux, et d’après les graphiques que je vois, la pandémie est loin d’avoir atteint son pic et je ne vois pas comment on pourrait en être totalement sorti d’ici juillet. Cela pose évidemment un problème d’équité sportive entre ceux qui ont ou auront accès à un entraînement normal et à des compétitions. »

Le décathlonien français poursuit, à propos de la position du CIO : « S’ils s’entêtent, cela peut vouloir dire qu’ils pensent de moins en moins aux athlètes et de plus en plus aux pertes financières. Or, on ne peut plus penser comme ça maintenant. L’aspect économique passe après dans une telle crise (…). Les événements sportifs ont énormément de valeur quand tout va bien mais, face à une pandémie, ils n’en ont plus trop, ils passent au second plan. Les gens n’ont plus l’esprit à ça. En tout cas, moi, je ne l’ai pas. »

Guy Learmonth, le spécialiste anglais du 800 m, appelle lui aussi à un report des Jeux de Tokyo. « Nous n’avons aucune idée de la gravité de la situation, et ce que nous avons vu jusqu’à présent pourrait être la pointe de l’iceberg, a-t-il suggéré au Guardian. Bien sûr, le CIO et le monde entier veulent des JO réussis. Mais pour que cela se produise, je crois fermement que l’événement doit être reporté. Je serais heureux s’ils étaient reportés au moins jusqu’en octobre – ou peut-être plus tard en 2021 ou 2022. Au moins, cela donnerait aux athlètes le temps de planifier et de s’entraîner. »

Katerina Stefanidi, la championne olympique du saut à la perche, attend de son côté une décision rapide du CIO et des organisateurs japonais. « Toute cette incertitude provoque un très gros stress chez les athlètes, a expliqué la Grecque sur la chaîne Mega TV. Je ne comprends pas cette obstination à dire que tout se déroule correctement et que tout va bien se passer. Bien sûr, des sommes d’argent considérables sont en jeu, mais il est évident que faire les Jeux dans une ville surpeuplée comme Tokyo, avec des milliers d’athlètes vivant les uns sur les autres dans un village olympique, n’est pas la meilleure solution. »