— Publié le 11 juin 2019

En Russie, les athlètes veulent la peau des dirigeants

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Ras-le-bol. Pour la première fois depuis le début de la suspension de la Fédération russe d’athlétisme, décidée en novembre 2015, une athlète prend ouvertement la parole pour exprimer son dégoût et son découragement. Pour la première fois, une championne russe appelle à la démission de ses dirigeants.

Maria Lasitskene, 26 ans, double championne du Monde du saut en hauteur (2015 et 2017), s’est exprimée lundi 10 juin sur les réseaux sociaux. Au lendemain de la décision de l’IAAF de maintenir pour la 11ème fois la suspension de l’athlétisme russe, elle a vidé son sac sur son compte Instagram.

« Au cours des trois dernières années, j’ai entendu 200 fois que tout a été fait et qu’on va nous réintégrer, a écrit la sauteuse en hauteur, seule championne du Monde en titre de l’athlétisme russe. Mais ce ne sont que des belles paroles qu’on essaye de nous vendre. Tous ces gens pensent que les sportifs ne voient rien, ne comprennent rien et que leur seule tâche est de sauter et de se taire. Ils ont oublié que sans les athlètes, l’existence d’une fédération sportive n’a aucun sens. »

Numéro 1 mondiale de la discipline, Maria Lasitskene a souffert directement de la suspension de sa fédération. Elle a été empêchée de disputer les Jeux de Rio 2016, où une seule athlète russe, la sauteuse en longueur Darya Klishina, avait été admise. Sur le moment, elle avait exprimé sa tristesse et son indignation, mais sans oser s’en prendre à ses dirigeants.

Depuis, Maria Lasitskene a pu participer à toutes les grandes compétitions internationales, en qualité d’athlète neutre. Mais, aujourd’hui, elle monte au créneau. Elle appelle à la démission de l’équipe actuelle de la Fédération russe d’athlétisme.

« J’espère que les gens impliqués dans cette honte sans fin auront finalement le courage de partir, non seulement la direction, mais aussi tous ces entraîneurs en activité qui sont toujours persuadés que sans dopage, c’est impossible de gagner. La nouvelle génération de nos athlètes doit grandir avec une philosophie différente, et c’est l’entraîneur qui façonne son sportif. »

Dans un pays et un sport où les athlètes se font rarement entendre pour parler politique, le coup de sang de la sauteuse en hauteur ne passe pas inaperçu. Il fait écho à la sortie de Youri Ganous, le directeur général de l’agence russe antidopage (RUSADA), qui a assuré le mois dernier que la Fédération russe d’athlétisme vivait dans « un monde d’illusion » et devrait être débarrassée au plus vite de ses principaux dirigeants.

En Russie, la position de la Fédération russe d’athlétisme semble plus fragile que jamais. Darya Klishina, la vice-championne du Monde de la longueur, a relayé sur son compte Instagram les propos de Maria Lasitskene, estimant qu’elle était parfaitement dans le vrai.

Plus symptomatique : le ministre russe des Sports, Pavel Kolobkov, se range à son tour dans le camp de la sauteuse en hauteur. « Ils n’ont pas ce lien direct avec les jeunes, les jeunes athlètes, et c’est plutôt embêtant, a-t-il convenu lundi 10 juin en s’exprimant à propos des dirigeants de l’athlétisme russe. Dmitry Shlyakhtin (le président de la Fédération russe d’athlétisme) devrait les rencontrer et leur dire quel genre de travail a été fait. Il doit obtenir le soutien complet de nos athlètes propres, tous ces Russes qui représentent leur pays. »

Les athlètes russes feront-ils tomber leurs dirigeants ? Possible.