— Publié le 17 mai 2019

« Le refus de reconnaître le MMA est 100% politique »

Institutions Focus

Les temps changent. Longtemps montré du doigt comme un indésirable dans le mouvement sportif international, le MMA gagne du terrain. La croissance de ses effectifs ne marque aucun temps d’arrêt. Surtout, l’opposition montre des signes d’ouverture.

La Norvège et la France, les deux derniers pays où sa pratique était illégale, ont choisi de lever leur interdiction. Les Norvégiens ont sauté le pas en début d’année. Les Français devraient bientôt suivre.

Mais la route reste longue pour la Fédération internationale des arts martiaux mixtes (IMMAF). L’Association mondiale des fédérations sportives mondiales (GAISF) lui refuse toujours une reconnaissance, prétextant qu’elle n’est pas signataire du code mondial antidopage. Faute d’être acceptée par la GAISF, l’IMMAF ne peut pas prétendre à être reconnue par le CIO.

Présent au début du mois à SportAccord 2019, Kerrith Brown, le président de l’IMMAF, a répondu aux questions de FrancsJeux.

FrancsJeux : Comme expliquez-vous le refus, année après année, de la GAISF de vous reconnaître comme fédération sportive internationale ?

Kerrith Brown : La réponse est purement politique. Jusqu’à l’an passé, nous pensions que le MMA devait encore progresser dans sa gouvernance, ses programmes, sa politique antidopage, pour prétendre à une reconnaissance du mouvement sportif international. Nous avons travaillé. Nous avons suivi une à une toutes les instructions formulées par la GAISF. Aujourd’hui, nous cochons toutes les cases. Mais rien n’avance. La vérité est que le MMA dérange les autres sports de combat déjà présents dans les institutions. Certains de leurs dirigeants occupent des positions importantes à la GAISF et à l’AMA. Ils font pression pour que nous restions à l’extérieur.

Le MMA serait donc victime d’une forme de complot des autres sports de combat ?

Tout à fait. Face à nous, leurs dirigeants ne font qu’un. Ils craignent que nous leur fassions concurrence, non seulement en termes de pratiquants, mais également sur le plan commercial. Nous représentons un danger, car l’intérêt pour le MMA explose dans le monde entier. Les gens sont accros. Les jeunes, notamment. Si un vote était organisé aujourd’hui parmi les fédérations internationales sur la question de notre reconnaissance, nous partirions avant même le scrutin avec un handicap d’une quinzaine de voix.

Il vous est parfois reproché un certain flou sur la gouvernance du MMA. Plusieurs organisations internationales en revendiquent l’autorité…

Bien sûr, mais nous sommes dans un cercle vicieux. En refusant de nous reconnaître, la GAISF favorise cette situation, car elle donne des idées aux autres organisations. Elles se disent qu’elles peuvent à leur tour revendiquer la gouvernance du MMA. LA GAISF nous reproche une situation qu’elle encourage par son refus de nous accepter.

Comment sortir d’une telle impasse ?

En travaillant encore plus fort sur notre image. En continuant notre effort de lobbying. Aujourd’hui encore, les gens associent trop souvent le MMA amateur et son versant professionnel, l’UFC (Ultimate fighting championship). Les deux univers sont pourtant très éloignés. A l’IMMAF, nous avons développé depuis plusieurs années des programmes d’éducation, de formation des entraîneurs, de lutte antidopage… Mais les clichés ont la vie dure.

Roxana Maracineanu, la ministre française des Sports, a annoncé au début du mois d’avril son intention de légaliser la pratique du MMA. Vous attendiez-vous à cette avancée ?

Nous n’étions pas au courant de la position de Roxana Maracineanu sur le MMA. Mais nous attendions plus tôt sa légalisation en France. Nous l’espérions pour l’automne dernier. Laura Flessel, l’ex ministre des Sports, y était favorable. Elle s’est rendue au Canada pour voir la façon dont le MMA se pratique et s’enseigne dans les clubs et les gymnases. Elle a parlé avec des entraîneurs. Elle savait également que les Français obtenaient des bons résultats, mais qu’ils étaient contraints par la loi de combattre seulement à l’étranger. Elle voulait en finir de l’interdiction du MMA en France, mais elle a démissionné de son poste de ministre.

Le processus de légalisation de la pratique du MMA en France devrait passer par une étape intermédiaire, où la discipline sera chapeautée par une fédération nationale déjà existante. Jean-Luc Rougé, le président de la Fédération française de judo, a fait acte de candidature. Il n’a pourtant jamais caché son opposition à la légalisation du MMA…

C’est vrai. Mais nous n’avons rien contre lui, ni contre la Fédération française de judo. Ils ont fait leur boulot, ils protègent leur territoire. Sur le principe, nous serions très favorables à ce que le MMA soit chapeauté par le judo. La fédération française est très puissante, elle possède un excellent programme de formation et d’éducation. Nous pourrions en tirer un grand bénéficie. Mais il n’est pas question que le judo français en profite pour changer nos règles. Nous ne voulons pas voir le MMA se disputer sur un tatami.