— Publié le 3 mars 2016

Pour l’aviron, le maire de Rio ne payerait pas sa place

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Eduardo Paes aurait-il perdu la tête? Le maire de Rio de Janeiro s’est livré cette semaine à une singulière confidence. Il a glissé à l’oreille d’une poignée de reporters qu’il trouverait bien plus malin, s’il était un spectateur « moyen », de suivre les épreuves d’aviron des prochains Jeux depuis l’extérieur du site, sans avoir à casser sa tirelire pour acheter une place.

« Installez-vous tranquillement au bord du lagon, en famille, pour suivre les épreuves d’aviron gratuitement, assis sur une chaise de plage avec une bière à la main », a suggéré Eduardo Paes devant les médias, après avoir inauguré un nouveau site de compétition au complexe des sports de Deodoro. Inutile de payer pour assister à une discipline dont le plan d’eau, idéalement situé au cœur de la ville, permet de tout voir sans posséder le moindre billet. Telle est le conseil du premier élu de la ville.

En soi, le propos d’Eduardo Paes constitue une première. Il n’était encore jamais venu à l’idée d’un maire de ville olympique de suggérer à ses administrés de snober la billetterie officielle des Jeux pour s’offrir le spectacle d’une épreuve entièrement gratis. Dans le contexte particulier des JO de Rio 2016, sa déclaration prend une résonance franchement suspecte.

Au moment même où Eduardo Paes délivrait ses bons tuyaux à la presse, Carlos Nuzman se livrait à Lausanne au délicat exercice du rapport devant la commission exécutive du CIO. Un moment jamais très serein pour le président du comité d’organisation des Jeux de 2016, confronté en même temps à la crise économique et politique au Brésil, au virus Zika, aux retards dans les travaux et aux réductions drastiques imposées dans le budget de l’événement.

Carlos Nuzman s’en est plutôt bien sorti, face à un auditoire tout à fait disposé à aller dans son sens. Il n’empêche, la question de la billetterie se révèle l’une des zones d’ombre de la préparation des Jeux. A 5 mois de l’ouverture, le porte-parole de Rio 2016, Mario Andrada, a admis que seulement 47% des 7,5 millions de billets avaient trouvé preneurs. Moins d’un sur deux, donc. Inquiétant. Même résultat jugé très insuffisant en termes de recettes: le poste billetterie du budget olympique en serait actuellement à 194 millions de dollars (environ 178 millions d’euros), soit 74% de l’objectif établi par les Brésiliens.

Certes, les épreuves traditionnellement les plus recherchées, comme les cérémonies, les finales d’athlétisme, de natation et de gymnastique, se vendent bien. Elles seraient même sold-out. Mais l’ensemble de la copie reste modeste. A en croire Mario Andrada, la vente des places rencontrerait un réel succès à l’étranger. Mais les Brésiliens ne se bousculent pas pour assister aux Jeux. Sans eux, la billetterie ne pourra jamais atteindre ses objectifs. Pour mémoire, les organisateurs des Jeux de Londres en 2012 avaient réussi le tour de force d’écouler 8,2 millions de places, sur les 8,5 millions proposées. Butin: un peu moins d’un milliard d’euros.

Au Brésil, le sujet inquiète, mais Carlos Nuzman et son équipe se veulent rassurants. Ils expliquent que tout n’a pas encore été mis en place pour booster la vente des billets. Au cours des prochaines semaines, le comité d’organisation a prévu d’installer des guichets électroniques de vente un peu partout en ville.

A Lausanne, le discours officiel reste empreint de sérénité et de confiance dans la suite. Interrogé en conférence de presse, au deuxième jour de la réunion de la commission exécutive du CIO, Thomas Bach a balayé le sujet. « Nous ne sommes pas inquiets du tout, a assuré le dirigeant allemand. Les Brésiliens ne sont pas comme les Allemands ou les Britanniques, ils n’achètent pas leurs places très en avance. Nous avons déjà connu des chiffres assez comparables avant certains Jeux, dans le passé, notamment à Athènes en 2004. Les ventes vont s’intensifier à l’approche de l’événement, je n’ai aucun doute là-dessus. » A condition, toutefois, que le maire de Rio ne déniche pas d’autres bonnes idées pour assister aux Jeux à la sauvette, sans mettre la main au portefeuille.