— Publié le 21 novembre 2016

Craig Reedie rempile, l’AMA patauge

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L’air y est moins chaud et le ciel rarement aussi bleu, mais Craig Reedie préfère l’Ecosse au Qatar, et Glasgow à Doha. On peut le comprendre. La semaine passée, le dirigeant britannique a vécu au Sheraton de la capitale qatarie une demi-journée très inconfortable. A rayer de sa mémoire. Invité à présenter un rapport des activités de l’Agence mondiale antidopage (AMA) lors du deuxième jour de l’assemblée générale de l’ACNO, il a essuyé un feu nourri de critiques et d’attaques. La plus violente est venue du maître des lieux, Sheikh Ahmad al-Fahad al-Sabah, le président de l’ACNO recommandant sans vraiment y mettre les formes que l’Ecossais quitte le navire pour laisser la place à un « président neutre ».

Quatre jours plus tard, à Glasgow, sur ses terres, Craig Reedie a été réélu pour un nouveau mandat, le deuxième, à la présidence de l’AMA. Le Conseil de fondation de l’organisation basée à Montréal, au Canada, lui a renouvelé dimanche 21 novembre, par vote, sa confiance pour continuer à diriger la manœuvre. Par défaut. Par dépit, même, selon certaines sources, le Britannique étant seul candidat à sa succession. Impliqué dans la vie et l’évolution de l’AMA depuis sa création en 1999, Craig Reedie en était devenu en 2013 le 3ème président, après le Canadien Dick Pound et l’Australien John Fahey.

A 75 ans, Sir Craig Reedie rempile pour 3 ans. Mais il n’est pas interdit d’imaginer qu’il abandonne son siège avant la fin de son mandat, le temps pour le CIO de dénicher un président « neutre » – notion très vague dans le mouvement sportif international –  et le convaincre d’accepter la charge. En attendant, l’Ecossais devra faire équipe avec une nouvelle vice-présidente, Linda Hofstad Helleland, la ministre des Sports de Norvège. Elle a été élue dimanche à Glasgow par acclamation.

Arrivé à Glasgow en marchant sur des œufs, Craig Reedie en repart rassuré sur son avenir immédiat. Mais les prochains mois ne s’annoncent pas de toute repos pour l’AMA, pour son équipe dirigeante et pour son administration. Pour preuve ce résumé des temps forts de la réunion de Glasgow, déjà installée en bonne place parmi les épisodes les plus marquants de l’histoire de l’AMA.

  • Rapport McLaren, la suite. On l’avait presque oublié. A tort. Le Canadien Richard McLaren, auteur d’un rapport à son nom dont le sport russe se souviendra jusqu’à la fin des temps, fera très bientôt à nouveau l’actualité. Un nouveau volet de son rapport à tiroirs est actuellement sous presse. Sortie annoncée le 9 décembre 2016. Une version finale, dit-on. Hasard ou pas, sa publication est programmée au lendemain de la réunion de la commission exécutive du CIO à Lausanne (6 au 8 décembre). Une façon habile de laisser les sages du CIO se réunir en paix, sans avoir à trop parler des sujets dopage.
  • La Russie nie l’évidence. Très fort, Vitali Smirnov. L’ancien président du comité olympique russe, nommé  par Vladimir Poutine en personne pour présider la commission indépendante chargée de reconstruire un système antidopage en Russie à peu près digne de ce nom, ne craint pas l’excès d’autosatisfaction. Invité à s’exprimer devant le Conseil de fondation de l’AMA, il a assuré la main sur le cœur: « Je veux clairement affirmer que la Russie n’a jamais eu de système de dopage organisé sous couvert de l’État. Quelques-uns ont fait des erreurs individuelles, ce n’était pas une erreur collective. Ce n’est pas parce qu’un individu est un criminel que le pays entier l’est aussi. ». Sûr.
  • Kasper demande des preuves. Gian-Franco Kasper, le président de la Fédération internationale de ski (FIS), ne semblait pas destiné à tenir un premier rôle dans la réunion écossaise de l’AMA. Mais le Suisse, par ailleurs membre du CIO, sait toujours surprendre. Sans crainte des commentaires, il a publiquement exprimé ses doutes quant à la véracité des conclusions du rapport McLaren sur les manipulations russes des contrôles antidopage aux Jeux de Sotchi en 2014. « Je veux des preuves, a martelé Gian-Fraco Kasper. On ne peut pas dire si les choses ont été correctes ou non. Il (McLaren) doit apporter des preuves avec des noms ».
  • Tony Estanguet annonce la réforme. Débarqué lui aussi à Glasgow par un vol depuis Doha, Tony Estanguet a suggéré au site Insidethegames que le CIO envisageait de modifier les règles d’éligibilité des athlètes ayant été pris pour dopage. « Si des athlètes ont déjà été suspendus plus de six mois, ils ne devraient pas pouvoir participer à l’édition à venir des Jeux Olympiques », a expliqué le co-président de Paris 2024, vice-président de la commission des athlètes du CIO.
  • La Russie continue son obstruction. L’AMA a beau reconnaître que la Russie se montre déterminée à régler son problème de dopage, ses propos suggèrent le contraire. A Glasgow, l’Agence mondiale a reconnu que ses enquêteurs n’avaient toujours pas accès à certains lieux d’entraînement des athlètes russes, en particulier des bases militaires, présentées comme des « villes fermées ». Ils n’ont pas non plus accès à certains des échantillons conservés par le laboratoire antidopage de Moscou.

Le prochain Conseil de fondation de l’AMA se déroulera l’an prochain à PyeongChang, en Corée du Sud. Un grand moment en perspective.