— Publié le 10 octobre 2016

Tokyo 2020, la périlleuse perspective

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La presse japonaise l’annonce comme une certitude: Yuriko Koike, la nouvelle gouverneure de Tokyo, rencontrera Thomas Bach le 18 octobre 2016. L’entrevue se déroulera dans la capitale japonaise, en marge du Forum mondial du Sport et de la Culture, où le président du CIO doit prononcer un discours le surlendemain. La précédente rencontre entre Thomas Bach et Yuriko Koike avait eu lieu au Brésil, dans le stade Maracana, au dernier jour des Jeux de Rio 2016 (photo ci-dessus). Le dirigeant allemand avait symboliquement remis à l’ancienne présidente de la fédération japonaise d’haltérophilie, très élégante dans son kimono traditionnel, le drapeau olympique.

Cette fois, il ne sera pas question de drapeau ou de passation de témoin. La rencontre portera sur le sujet le plus chaud du moment: la refonte de la carte des Jeux de Tokyo 2020. Yuriko Koike veut réduire drastiquement les dépenses. On la comprend. Le budget prévisionnel a flambé, depuis la désignation par le CIO de la capitale japonaise comme ville-hôte des Jeux de 2020. La « task force », missionnée à sa demande pour trancher dans le gras, a proposé d’envoyer les rameurs disputer leurs courses olympiques à plus de 400 km de Tokyo, dans la ville de Tome, sur un plan d’eau existant. Elle suggère également de jeter aux orties la construction d’un nouveau complexe de natation et d’une salle de volley-ball.

Jean-Christophe Rolland, le président de la Fédération internationale d’aviron (FISA), a rencontré Yuriko Koike en début de semaine passée à Tokyo. Il lui a clairement exprimé sa « surprise » et sa « déception » face à un tel projet. La gouverneure a cherché à le rassurer, lui expliquant que rien n’était décidé et que ces options constituaient seulement des pistes de réflexion. Vrai. Mais, toujours selon la presse japonaise, Yuriko Koike doit se rendre à Tome le 15 octobre, soit trois jours avant sa rencontre avec Thomas Bach. Elle souhaite inspecter elle-même le site proposé comme alternative pour l’aviron. Elle devrait également s’entretenir avec le gouverneur de la préfecture de Miyagi, où est située la ville de Tome. A la lecture de ses priorités du moment, il semble difficile d’imaginer Yuriko Koike rentrer de son périple sur le bassin d’aviron avec la furieuse envie d’en construire plutôt un nouveau, très cher et à l’impact incertain sur la pratique de la discipline au Japon.

Autre indicateur de la tendance du moment: les propos du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, tenus en fin de semaine passée à l’occasion d’une conférence de presse. A une question sur Tokyo 2020, le chef du gouvernement a répondu : « Pour que les Jeux aient la bénédiction du public, il est indispensable de conserver un processus de prise de décisions ouvert, de réduire les coûts et d’utiliser efficacement un budget et un temps limités. » Shinzo Abe se garde bien de donner carte à blanche à Yuriko Koike, certes, mais sa déclaration semble aller dans le même sens. Une réduction des coûts, quitte à en oublier les promesses de la candidature.

Que faut-il en retenir? Deux choses. Deux leçons peu propices à restaurer la confiance envers le mouvement olympique. Primo, les Jeux se révèlent toujours plus coûteux que leurs prévisions budgétaires. Londres 2012 a dépassé son budget, Rio 2016 également. Tokyo 2020 laissera, refonte des sites ou pas, une facture au moins trois fois supérieure aux estimations initiales.

Deuxième leçon, les promesses d’un dossier de candidature ne valent que le temps d’être choisi, ou non, par les membres du CIO. Une fois la victoire acquise, peu importe de respecter ses engagements. Tokyo 2020 avait promis des Jeux compacts, où seulement trois sports (tir, pentathlon moderne et une partie du football) seraient disputés à l’extérieur d’un périmètre de 8 km autour du village des athlètes. Séduisant mais mensonger. Aujourd’hui, le vélodrome a été délocalisé, tout comme la voile et une partie du basket-ball. L’aviron risque de subir le même sort. Le CIO a approuvé.

Madrid et Istanbul, candidats malheureux à l’élection pour les Jeux de 2020, ont été battus à la déloyale. Pas sûr qu’ils aient très envie d’y retourner.