— Publié le 12 décembre 2019

Deux champions, un message : la paix par le sport

Institutions Focus

Dix ans. L’organisation internationale Peace and Sport a profité de son forum annuel, du 11 au 13 décembre à Monaco, pour célébrer le 10ème anniversaire de son club des Champions de la Paix. Le collectif créé en 2009 regroupe aujourd’hui plus d’une centaine d’athlètes, engagés pour la promotion de la paix par le sport.

Parmi eux, le Burundais Vénuste Niyongabo, champion olympique du 5.000 m aux Jeux d’Atlanta en 1996, et la Franco-Canadienne Marlène Harnois, médaillée de bronze en taekwondo aux Jeux de Londres en 2012. Ils ont répondu aux questions de FrancsJeux.

FrancsJeux : A quoi sert un Champion de la Paix ?

Marlène Harnois : A contribuer au développement de la paix par le sport. Le club des Champions de la Paix de Peace and Sport regroupe des athlètes d’une soixantaine de nationalités. Certains sont très présents sur le terrain, d’autres sont plus engagés sur le terrain politique, comme Laura Flessel, Sergueï Bubka ou Tony Estanguet. En unissant nos forces, nous pouvons faire avancer les choses et avoir un réel impact sur la société.

Vénuste Niyongabo : Un champion de paix peut servir de pont entre les sportifs et les dirigeants politiques, pour leur faire comprendre que le sport peut contribuer à améliorer la société et changer le monde. Le sport n’a pas de frontières. Nous, les sportifs, sommes certainement les mieux placés pour abattre les barrières, celles de la religion, de la langue ou les frontières entre les pays.

Avez-vous été marqués, dans un passé récent, par un événement illustrant le rôle du sport pour la paix ?

Marlène Harnois : Le défilé commun des deux Corée aux Jeux d’hiver de PyeongChang 2018. Cet événement m’a inspirée et réconfortée. Il a été pour moi la plus belle illustration que le sport possède le pouvoir de changer le monde.

Vénuste Niyongabo : La décision des joueuses de tennis de table des deux Corée, aux championnats du monde, de former une équipe commune. Elle n’était pas préméditée. Elle a été prise rapidement, de façon presque naturelle. C’est tout le contraire de la politique, où tout est le résultat de longues négociations.

Parmi les actions que vous avez menées comme Champion de la Paix, laquelle retenez-vous aujourd’hui ?

Marlène Harnois : La Caravane de la Paix. Nous l’avons initiée en 2017. Tous les ans, elle sillonne un pays pendant 5 jours, en menant des actions très concrètes auprès des populations, les jeunes notamment. Le Sénégal les premières années, le Mali en 2019. Nous avons, par exemple, organisé des tests de dépistage du sida et installé des fontaines d’eau potable dans un village. La caravane rassemble des champions, des ONG, des acteurs locaux.

Vénuste Niyongabo : A l’occasion des Jeux de l’Amitié organisés par Peace and Sport, j’ai traversé pour la première fois la frontière entre le Burundi et la République démocratique du Congo. Je ne l’avais jamais fait. Cette manifestation a permis à des enfants de passer eux aussi cette frontière. Pour eux, issus de familles sans argent, un tel voyage rendu possible par le sport était l’équivalent de traverser un océan.

Les grandes organisations sportives internationales font-elles aujourd’hui assez, à vos yeux, pour promouvoir la paix par le sport ?

Marlène Harnois : Non. Mais les choses peuvent changer. Le manifeste des Champions de la Paix que nous venons de signer pendant le Forum Peace and Sport veut pousser les fédérations internationales à inclure dans leurs programmes des actions en faveur de la paix. La Fédération internationale de taekwondo, mon sport, joue un rôle de leader dans ce domaine. J’en suis très fière. Elle a mis en place un fonds dédié à l’humanitaire, elle a créé un groupe de « Peace corps », elle est présente dans le camp de réfugiés de Zaatari. Si toutes les fédérations internationales en faisaient autant, nous avancerions beaucoup plus vite.

Vénuste Niyongabo : Je suis très critique à l’égard des fédérations internationales. Elles valorisent les sportifs lorsqu’ils gagnent des médailles, mais jamais lorsque leur carrière est terminée. Leurs dirigeants se préoccupent surtout de leur ego. Mais un président de fédération ne sera jamais un modèle pour un jeune. Un champion, lui, peut vraiment inspirer la jeunesse.