— Publié le 3 mars 2018

Sur les salaires, Paris 2024 ne cache rien

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Le ton est donné. Premier conseil d’administration du comité d’organisation des Jeux de Paris 2024, vendredi 2 mars 2018 au Bourget. Et première illustration de la volonté affichée de son président, Tony Estanguet, de jouer à fond le jeu de la transparence. Une illustration très spectaculaire, peu en accord avec les habitudes et la culture françaises, puisqu’elle concerne les salaires.

Vendredi après-midi, au terme de ce premier conseil d’administration du COJO, les rémunérations de Tony Estanguet et d’Etienne Thobois, le directeur général du COJO, ont été rendues publiques. Soyons clairs: rien n’obligeait les deux hommes à étaler ainsi, à la vue de tous, les chiffres de leurs feuilles de paye. Le COJO Paris 2024 est constitué en association loi de 1901, dont le budget, établi à 3,8 milliards d’euros, sera assuré à plus de 95% par des ressources privées: contribution du CIO (1,2 milliard d’euros), marketing (1 milliard), billetterie (1,1 milliard), produits dérivés…

Tony Estanguet s’en explique: « Nous avons toujours souhaité une grande transparence, sur les coûts et sur les dépenses. Il me semble assez sain de commencer avec nos salaires. » Le président du COJO l’avait confié à FrancsJeux pendant les Jeux de PyeongChang: « Je ne veux pas m’occuper des discussions actuelles sur mon niveau de salaire. Elles sont menées par notre comité des rémunérations. Aujourd’hui, j’ai d’autres priorités en tête. » Rarissime.

Les chiffres? Confortables mais modestes. Surtout, très en-dessous des tarifs du marché. Tony Estanguet percevra une rémunération annuelle de 270.000 euros bruts. Etienne Thobois suivra de très près, avec un salaire proposé à 260.000 euros annuels bruts. Il s’ajoute à ces montants une part variable, établie sur des critères de performance, mais plafonnée à 20 % maximum du salaire annuel. Un bonus de 10 % pourra également être perçu, mais il sera bloqué tous les ans, puis versé à la « livraison » des Jeux en 2024. Dernière précision: ces salaires ont été fixés pour la période 2018-2020. Ils pourraient donc être réévalués pour les quatre dernières années du cycle de préparation.

Les montants des revenus de Tony Estanguet et Etienne Thobous ont été soumis au vote du conseil d’administration, vendredi après-midi au Bourget. Ils ont été adoptés à l’unanimité.

Le comité des rémunérations est présidé par Jean-Paul Bailly, l’ancien patron de la RATP et de La Poste. Il est composé de plusieurs personnalités issues du secteur privé, dont des directeurs de ressources humaines, un spécialiste de politique salariale et un expert venu d’un cabinet de chasseurs de têtes. En prime, une poignée de représentants du CNOSF, de la ville de Paris et de l’Etat.

Selon la version officielle, tout ce petit monde a établi ses calculs en allant chercher ici et là, dans les secteurs public et privé, des critères de comparaison. Patrons des grandes entreprises du CAC 40, dirigeants des établissements publics, présidents d’organisations sportives internationales…. Tout a été étudié et mixé. Admettons. Mais le résultat laisse perplexe.

Dans un passé récent, le directeur général des Jeux de Londres, Paul Deighton, a perçu un salaire annuel d’environ 750.000 euros. Jean-Claude Blanc, le directeur exécutif du Paris Saint-Germain, dont le nom avait circulé pour le poste occupé par Etienne Thobois, recevrait une rémunération de 1,2 million d’euros. Selon Les Echos, la moyenne de rémunération des dirigeants des 120 plus grandes entreprises françaises se situerait à 3,5 millions d’euros.

Tony Estanguet et Etienne Thobois ne soutiennent pas la comparaison. A terme, ils veilleront pourtant sur la destinée d’une organisation de plus de 4.000 salariés, soumise à une pression extrême, sûrement pas à l’abri des remous de la classe politique et suivie de près par les médias, spécialisés ou non.

Au cours de sa première réunion, le conseil d’administration du COJO a également entériné, vendredi après-midi, le choix des 5 représentants de la commission des athlètes. Un mélange subtil et très équilibré, formé de Martin Fourcade, Marie-José Pérec, Nantenin Keita, Guy Forget et Sarah Ourahmoune. Sa composition complète est accessible ici.