— Publié le 20 février 2018

« Le dialogue est amorcé, il en sortira quelque chose »

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La paix par le sport. Les deux mots sont associés dans toutes les conversations depuis le début des Jeux de PyeongChang, avec la présence d’une délégation nord-coréenne, le défilé commun des athlètes des deux pays à la cérémonie d’ouverture, le parcours de l’équipe féminine unifiée de hockey sur glace.

Pour beaucoup, le phénomène tient du miracle. Pas pour Joël Bouzou (photo ci-dessus, à droite). Président et fondateur de l’organisation Peace & Sport, le Français milite depuis longtemps pour utiliser le terrain sportif comme un outil de pacification. Il analyse pour FrancsJeux la portée du rapprochement des deux Corée.

FrancsJeux: La présence d’une délégation nord-coréenne aux Jeux de PyeongChang et le défilé commun à la cérémonie d’ouverture peuvent-ils changer durablement les rapports entre les deux pays?

Joël Bouzou: Il est encore un peu tôt pour répondre. Mais une chose est sûre: ce qui se passe actuellement aux Jeux de PyeongChang n’est pas cosmétique. Il y aura une suite. Le sport peut faire avancer les choses. J’en suis convaincu. A Peace & Sport, nous avons élaboré des concepts qui fonctionnent. Nous travaillons avec la Corée du Nord depuis 2011. Cette année-là, nous avons fait jouer ensemble des pongistes des deux pays lors d’un tournoi à Doha, en pleine période manœuvres militaires dans la péninsule. Mais il a fallu insister. A ma première visite à Pyongyang, avec la Fédération internationale de tennis de table, nous avons obtenu une fin de non-recevoir. L’an passé, nous avons rassemblé les équipes féminines de hockey sur glace de Corée du Nord et du Sud pour une photo où les joueuses posaient ensemble en brandissant un carton blanc, symbole de la paix par le sport. Ces opérations ont démontré que les délégations sportives parlaient à leurs diplomates. Un dialogue qui a permis en grande partie de voir cette équipe unifiée aux Jeux de PyeongChang.

Quelle en sera la suite?

Je suis très optimiste. Un dialogue a été amorcé. Il ressort toujours quelque chose du dialogue. Le sport offre un espace de rencontres où les diplomates et les politiques peuvent se parler sans avoir le sentiment de prendre un risque. Mais pour faire la paix, il faut la vouloir.

Angela Ruggiero, l’ancienne championne américaine de hockey sur glace, membre de la commission exécutive du CIO, a suggéré que le prochain Prix Nobel de la Paix soit attribué à l’équipe féminine unifiée de Corée…

Je ne fais pas partie du jury, mais d’autres acteurs et d’autres organisations le mériteraient sans doute tout autant. Le CIO, par exemple. Il faut se méfier de l’image spectaculaire et médiatique d’un événement comme celui-là. Il doit s’inscrire dans un concept global.

Il a beaucoup été question des deux Corée aux Jeux de PyeongChang, mais au delà de ce seul sujet l’événement s’inscrit-il dans le respect de la trêve olympique?

Le rapprochement des deux Corée a occulté tout le reste, mais le concept de la paix par le sport fait son chemin dans la tête des dirigeants un peu partout dans le monde. Les gens sont interpellés. Aux Jeux de PyeongChang, il n’y a pas eu de désillusions. On retrouve un certain espoir.

Le Mondial de football en Russie, prochain grand événement du calendrier sportif, peut-il enfoncer le clou?

Je l’espère. Le football bénéficie d’une résonance médiatique encore plus universelle. Au delà du symbole, il touche souvent l’identité d’un pays. La Russie est stigmatisée et isolée. Le contexte offre donc certaines possibilités. A ce jour, aucun boycott n’est annoncé, cela prouve que le sport a gagné en crédibilité dans sa neutralité. Les pays considèrent qu’il vaut mieux en être. Aux diplomates d’en profiter pour amorcer un dialogue.