— Publié le 15 novembre 2017

La Trêve olympique, fragile et forte à la fois

Tribune Focus

La tradition est respectée. A moins de 90 jours de l’ouverture des Jeux de PyeongChang 2018, l’Assemblée générale des Nations unies a voté en début de semaine la « Trêve olympique ». Quelle est sa portée? Quels sont ses enjeux? Les réponses d’un expert, Thomas Ducamp, juriste internationaliste.

« La tradition de la Trêve, ou « ekecheiria », a été établie par un traité entre trois rois au IXème siècle avant notre ère. Durant cette période, les athlètes, les artistes et leurs familles pouvaient voyager en toute sécurité pour participer aux Jeux Olympiques.

Cette pratique a été adaptée au contexte contemporain, notamment afin de répondre aux idéaux olympiques, et par exemple d’établir des contacts entre des communautés en conflits ou créer des occasions de dialogue ou de réconciliation. Même si Jacques Rogge, l’ancien président du CIO, rappelait en octobre 2000 que « le sport à lui tout seul ne peut pas faire respecter ni maintenir la paix ». Cependant, à l’occasion des Déclarations du Millénaire, l’Assemblée générale des Nations unies affirmait son « attachement aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies, qui ont une valeur éternelle et universelle ».

Même si les résolutions de l’ONU en la matière ne possèdent aucune force coercitive à l’égard des Etats, la réappropriation de l’ « ekecheiria » s’est traduite en 1993 par l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. Ce texte juridique considérait « l’appel à une Trêve olympique lancé par le Comité olympique et entériné par 184 comités olympiques ». Il présentait le concept de la Trêve olympique comme « pouvant contribuer à la concrétisation des buts et des principes de la Charte des Nations unies ».

Cette résolution adoptée le 25 octobre 1993 énonçait alors que les Nations unies « engagent les Etats membres à observer cette Trêve », « demande à tous les Etats de coopérer avec le Comité international olympique dans l’action qu’il mène en faveur de la Trêve olympique », et « prie le Secrétaire général d’encourager les Etats membres à observer la Trêve olympique ».

Depuis, c’est avec une récurrence assez frappante que l’organisation mondiale renouvelle, avant chaque Jeux olympiques et paralympiques, son souhait de voir observer cette Trêve, d’Atlanta 1996 à PyeongChang 2018. L’importance d’une telle résolution est telle que l’ONU va même jusqu’à « exhorter les Etats membres à l’initiative de respecter la Trêve olympique, individuellement et collectivement, et à chercher, conformément aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies, à régler tous les différends internationaux par des moyens diplomatiques ». Dès lors, la Trêve olympique est souvent perçue comme un instrument de paix, de dialogue et de réconciliation dans les zones de conflit, au delà de la durée des Jeux eux-mêmes.

La répétition dans le temps de cette pratique, l’adhésion de la plupart des Etats à la notion de Trêve olympique et son respect par les Etats sont criants. Le meilleur exemple semble être l’attitude des Etats-Unis qui ont attendu la fin de l’olympiade japonaise à Nagano en 1998 pour mettre à exécution les menaces de bombarder l’Irak, suite au non respect par cet Etat de la résolution 687 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Lors d’un discours devant le Congrès Olympique de Copenhague en 2009, l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, avait souligné le rôle capital de la Trêve olympique en la définissant comme l’ « initiative la plus soutenue parmi les mesures prises à l’Assemblée générale des Nations unies ».

Le dénouement autour de l’adoption de cette résolution a trouvé une solution le 13 novembre 2017. A cette occasion, le Président de l’Assemblée générale des Nations unies a réaffirmé le lien entre le sport et les missions de l’ONU. Dans le même temps, Thomas Bach faisait de même pour justifier l’adoption renouvelée de cette résolution pour les Jeux de PyeongChang.

La Trêve olympique s’établira donc dans la période comprise sept jours avant les Jeux Olympiques d’hiver 2018 et jusqu’à 7 jours après la clôture des Jeux Paralympiques d’hiver 2018. »

 

Le texte complet de la résolution est disponible en suivant ce lien : https://stillmed.olympic.org/media/Document%20Library/OlympicOrg/IOC/Who-We-Are/Commissions/Public-Affairs-And-Social-Development-Through-Sport/Olympic-Truce/Resolution-PyeongChang-2018-eng.pdf#_ga=2.259944329.2046023021.1510640418-438756032.1494398122