Candidatures

Los Angeles 2024, une lettre ouverte qui interroge

— Publié le 8 juin 2017

Le propos est inattendu, son timing peut sembler étrange. Mais l’effet est spectaculaire. Dans une lettre ouverte publiée mercredi 7 juin, sobrement intitulée « Une opportunité de servir », Casey Wasserman ouvre la porte non seulement au scénario d’un double vote 2024-2028 lors de la prochaine session du CIO, en septembre à Lima, mais surtout à la perspective pour la candidature de Los Angeles de recevoir l’événement quatre ans après Paris.

Les faits, d’abord. Au lendemain de la mise en ligne d’une vidéo, la deuxième de la série, consacrée à « tout ce qui ne figure pas dans le dossier de candidature », où il discute chaussures et style vestimentaire avec Allyson Felix, Casey Wasserman a pris la plume pour rédiger une sorte de lettre ouverte sur la question maintes fois débattue du double vote 2024-2028. Le président de LA2024 s’y exprime au nom de son équipe, mais la lettre est signée de son nom. Elle a été envoyée aux médias en fin d’après-midi heure européenne, mercredi 7 juin.

Le timing ne doit rien au hasard: Casey Wasserman a choisi de s’exprimer à moins de 2 jours de la réunion de la commission exécutive du CIO, prévue vendredi 9 juin à Lausanne. Une réunion dont l’ordre du jour sera dominé par la question du double vote 2024-2028.

Le titre de la lettre donne le ton. « Une opportunité de servir ». Après avoir rappelé que le projet olympique et paralympique de Los Angeles bénéficie du soutien de 88% de la population locale, Casey Wasserman explique: « Pour être franc, LA 2024 n’a jamais été seulement à propos de LA ou de 2024. Même lorsque la question de la double attribution est apparue, nous n’avons jamais dit « Los Angeles en premier », ou »C’est maintenant ou jamais ». Cela aurait ressemblé à un ultimatum. Nous aurions pu utiliser cette stratégie. Nous ne l’avons pas fait, car nous pensions qu’il serait présomptueux de dire au CIO ce qu’il doit faire ou penser. Nous sommes des meilleurs partenaires que cela. Il a toujours été dans notre intention que LA 2024 ait autant de sens pour le mouvement olympique que pour les habitants de Los Angeles. Nous restons engagés sur cette promesse. »

Un peu plus loin dans sa lettre, le président de la candidature américaine – et accessoirement son principal donateur – enfonce le clou: « Nous ne croyons pas aux ultimatums, nous croyons au partenariat. C’est pourquoi nous sommes déterminés à regarder au-delà de notre propre cas et poser la question: « Comment LA peut servir le mieux les besoins à long terme des Jeux olympiques et paralympiques? »

Casey Wasserman se veut clair… mais sans l’être tout à fait. Certes, il évoque un avenir « à long terme » pour LA 2024, il explique vouloir regarder plus loin que la prochaine bataille électorale. Il assure que la vraie raison d’être de la candidature dépasse le cadre des Jeux de 2024. Il se donne de la hauteur.

Faut-il pour autant en conclure que Los Angeles veut bien laisser à Paris les Jeux en 2024 et, dans l’intérêt du mouvement olympique, accepter l’édition 2028? Sûrement pas. Casey Wasserman ne dit rien de tout cela. Il ouvre la porte à des Jeux en Californie au-delà de 2024, donc en 2028, mais sans se placer en second. Le message est plus subtil.

Dans sa lettre ouverte, Casey Wasserman ne cite à aucun moment le nom de Paris. Mais ses propos désignent clairement la candidature parisienne et sa position tranchée sur le scénario du double vote. Face à une équipe française déterminée à vouloir les Jeux en 2024, seulement en 2024, les Américains se donnent le beau rôle. Ils se montrent ouverts, disposés, prêts à discuter. Ils pourraient être seulement des candidats, ils se préfèrent en « partenaires ». L’intérêt du CIO avant le leur. Malin.

A un peu moins de 100 jours du vote, les propos de Casey Wasserman interrogent. A l’évidence, ils s’inscrivent dans une stratégie dont la finalité reste de sortir vainqueur de la bataille. Les prochains jours, puis semaines, devraient permettre d’y voir plus clair. Mais il est sans doute simpliste d’imaginer que la candidature de Los Angeles et son président ont déjà reconnu une forme de défaite et laissé à Paris le droit de recevoir les Jeux en premier. Casey Wasserman veut reprendre la main. Il vient peut-être de le faire.