— Publié le 12 octobre 2016

Poutine rebat les cartes dans le sport russe

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Il se passe toujours quelque chose lorsque Vladimir Poutine s’aventure sur le terrain sportif. Le président russe l’a fait mardi 11 octobre. Il s’est offert un voyage express vers la ville de Kovrov, dans la région de Vladimir, non loin de Moscou, à l’occasion du 6ème Forum consacré à la « Russie, puissance sportive ».

A l’évidence, la manifestation ne servait que de prétexte à Vladimir Poutine pour mettre son nez dans l’organisation du sport olympique russe. Comme souvent avec lui, le résultat a été spectaculaire. Le jour même où le président russe rencontrait les principaux leaders du mouvement sportif, le plus haut placé du lot a annoncé sa décision de rendre bientôt son tablier. Convoqué à Kovrov par Vladimir Poutine, alors qu’il se trouvait en Chine pour la première visite de la commission de coordination des Jeux d’hiver de Pékin 2022, Alexander Zhukov (photo ci-dessus, à droite, avec Vladimir Poutine et Vitaly Mutko), a fait savoir qu’il renoncerait avant la fin de l’année à sa fonction de président du Comité national olympique russe.

Officiellement, la prochaine démission d’Alexander Zhukov n’a rien d’une mise à l’écart. Selon les médias nationaux, le dirigeant sportif , ancien vice-Premier ministre (2004 à 2011), souhaiterait se « consacrer à son rôle de porte-parole de la Douma », l’une des deux chambres du Parlement russe. Une fonction que cet économiste de 60 ans, diplômé de l’Université d’Harvard, estime peu compatible avec la présidence du comité national olympique.

Mais, détail révélateur, l’annonce est intervenue au moment où Vladimir Poutine a pris sa journée pour aller rabattre les cartes dans le sport russe. Alexander Zhukov, élu une première fois à la tête du mouvement olympique en 2010, puis réélu 4 ans plus tard, paye pour le scandale de dopage dans le sport de son pays et l’exclusion partielle de sa délégation aux Jeux de Rio.

Preuve du caractère très politique de sa décision, le renoncement d’Alexander Zhukov a été commenté le jour même par Vladimir Poutine. « J’en ai discuté avec lui, il veut se consacrer à son travail à la Douma, a suggéré le président russe. En même temps, un cycle olympique a pris fin, un autre commence. Alexander a fait beaucoup pour le sport, j’espère qu’il pourra en faire encore plus. »

La démission d’Alexander Zhukov, qui pourrait être effective au mois de décembre 2016, devrait avoir un double effet. Le premier est interne: le comité national olympique devra lui trouver un successeur. Le nom d’un autre Alexander, l’ex nageur Popov (photo ci-dessous), membre de la commission des athlètes du CIO entre 2008 et 2016, circule déjà comme le favori. Il se raconte également que l’ancienne perchiste Yelena Isinbayeva, proche de Vladimir Poutine, serait intéressée. Mais elle vise la présidence de la Fédération russe d’athlétisme.

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L’autre effet est plus international. Alexander Zhukov est membre du CIO, en sa qualité de président du comité olympique russe. Il préside également la commission de coordination des Jeux de Pékin en 2022. Selon les règles, sa démission du comité national olympique devrait entraîner la perte de son statut de membre du CIO. La Russie abandonnerait ainsi une place au sein du mouvement olympique, et avec elle une part de son influence. Une perspective peu appréciée à Moscou au moment où la Russie tente de se refaire une image et une forme d’intégrité. Vladimir Poutine l’a suggéré lui-même: « Cette question doit être discutée avec le CIO, en particulier avec Thomas Bach, car nous ne voulons pas perdre notre présence au sein de l’organisation olympique. »

Dans un scénario idéal, Alexander Popov succéderait à Alexander Zhukov au comité national olympique tout comme au CIO. La Russie conserverait ses acquis. Et le binôme formé par le quadruple champion olympique de natation (50 et 100 m à Barcelone 1992 puis Atlanta 1996) avec Yelena Isinbayeva aurait le mérite de rajeunir l’image du sport russe et lui redonner un certain crédit.