L’IAAF ne plaisante plus. Tant mieux. Son Conseil avait su rester ferme et solide face à la pression, à la mi-juin, en prolongeant la suspension de la Fédération russe d’athlétisme. L’organisation internationale s’est montrée aussi inflexible au moment d’étudier, cas après cas, les requêtes de ses athlètes pour participer aux Jeux de Rio.
Selon un communiqué de l’IAAF, pas moins de 132 athlètes russes ont déposé un recours pour obtenir le droit de prendre part aux prochains Jeux. Ils ont invoqué l’article 22.1A du règlement des compétitions. Ils ont postulé à un statut qui leur permettrait de concourir à Rio 2016 sous des couleurs et un drapeau neutres. L’IAAF a étudié un par un ces 132 dossiers, pour n’en garder qu’un seul. Un unique dossier au nom de Darya Klishina.
La sauteuse en longueur russe (photo du haut), âgée de 25 ans, championne d’Europe junior en 2009, médaillée de bronze européenne l’an passé à Zurich, a obtenu le feu vert de l’IAAF. Elle a été déclarée, dimanche 10 juillet, « éligible pour participer aux compétitions internationales d’athlétisme », donc potentiellement aux Jeux de Rio. Les autres restent en rade. Parmi eux, Yelena Isinbayeva, la recordwoman du monde du saut à la perche, et Sergey Shubenkov, le champion du monde en titre du 110 m haies, dont les noms n’ont pourtant jamais été associés à des affaires de dopage.
Darya Klishina a accueilli la nouvelle avec soulagement. « Je suis vraiment contente. Je voudrais remercier l’IAAF pour sa décision experte », a écrit la jeune femme sur son compte Facebook, n’oubliant pas de remercier au passage son coach américain, Loren Seagrave, et l’académie IMG où elle s’entraîne, en Floride. Un centre d’entraînement où, explique-t-elle, l’environnement est « sain et propre ».
Dans le camp des déçus, Vitaly Mutko, le ministre russe de Sports, n’a pas tardé à réagir. A son habitude, il n’a pas mâché ses mots : « Cette décision ne me surprend pas, mais elle est regrettable. L’IAAF est sortie du cadre juridique. Il est temps de dissoudre cette organisation ». Même position tranchée de la part de Yelena Isinbayeva: « Ce que dit l’IAAF aujourd’hui, ce n’est rien, c’est un grand n’importe quoi (…). Nous attendons tous ensemble la décision du TAS, qui sera bien plus importante à nos yeux. »
L’équation laisse peu de place au doute. D’un côté de la balance, 132 athlètes russes en attente d’un billet pour les Jeux. De l’autre, deux sièges dans l’avion pour le Brésil. La fin des compromis, en somme. Le premier avait été réservé à Yulia Stepanova, la « lanceuse d’alerte » à l’origine des révélations de la chaîne allemande ARD sur le dopage dans l’athlétisme russe. Normal. Une forme de remerciement de la part de l’IAAF pour le courage de la jeune femme et de son mari, aujourd’hui exilés aux Etats-Unis. Le second siège est pour Darya Klishinia. La seule, parmi les postulants, à répondre aux stricts critères établis par le Conseil de l’IAAF le 17 juin dernier, à Vienne. Ils stipulent que les athlètes souhaitant être repêchés « ne doivent pas avoir été affectés par l’échec de la Fédération russe à avoir mis en place un système efficace de lutte contre le dopage ». Ils doivent au contraire prouver qu’ils ont été « soumis à des systèmes de lutte et de contrôles totalement reconnus à l’étranger pendant une période suffisante ». Darya Klishina réside et s’entraîne en Floride depuis 2013.
Déclarées éligibles par l’IAAF, les deux Russes ne sont pas encore assurées d’aller à Rio. Il reste au CIO à valider leur sélection. En soi, une simple formalité. Mais, problème, l’IAAF les a déclarées éligibles sous drapeau et couleurs neutres, un statut que l’organisation olympique souhaite réserver à la seule équipe des réfugié. Rien n’est gagné, donc.
Pour les autres, dont Yelena Isinbayeva, il faudra encore attendre. Pas moins de 68 athlètes russe ont entamé une procédure juridique devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). Il doit statuer sur leur cas au plus tard le 21 juillet 2016.
