— Publié le 16 juin 2016

A J – 1, l’athlétisme russe sort le drapeau blanc

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Le jour d’avant. La veillée d’armes. L’ultime attente. L’avenir à court terme de l’athlétisme russe se joue vendredi 17 juin 2016, dans une salle de réunion fermée à double tour d’un palace de Vienne, en Autriche. Un avenir qui pourrait conditionner celui de l’athlétisme en général et même, osons l’écrire, du mouvement olympique dans sa globalité.

Les faits, d’abord. Vendredi 17 juin, le Conseil de l’IAAF doit se réunir au Grand Hotel de Vienne. Une forme de conclave où les 27 membres de l’organe suprême de la Fédération internationale d’athlétisme sont censés, une fois les présentations faites et les débats clos, statuer sur le sort de la Russie. Ils doivent décider si les athlètes russes seront, ou non, autorisés à participer aux Jeux de Rio en août prochain.Un ordre du jour unique pour une réunion qualifiée d’historique avant même les premiers mots échangés.

Précision: la décision de l’IAAF n’engagera que l’IAAF. Elle concernera uniquement l’athlétisme. A ce stade de l’histoire, le CIO n’a rien laissé filtrer de la position qu’il prendrait, dans l’éventualité où la suspension était prolongée, sur la délégation russe dans sa globalité. L’exclusion des athlètes entraînerait-elle celle des autres disciplines? Mystère.

Le contexte, maintenant. Tendu, complexe et, avouons-le, peu propice à un débat serein et une décision raisonnable et objective. Mercredi 15 juin, un nouveau rapport de l’Agence mondiale antidopage (AMA) en a rajouté une couche sur un dossier russe déjà assez lourd pour craquer de toutes ses coutures. Il révèle que les équipes d’inspecteurs envoyés en Russie procéder aux contrôles ont éprouvé, au cours des derniers mois, les plus grandes difficultés à mener leur mission à bien. Citons, parmi les exemples mentionnés dans le rapport, la présence encombrante et souvent menaçante d’agents de la sécurité cherchant par tous les moyens à contrarier le travail des envoyés de l’AMA, les fuites fréquentes d’athlètes partant à toutes jambes afin d’éviter un contrôle. Pire: le rapport détaille le cas d’un spécialiste d’athlétisme pris en flagrant délit de fraude – il avait tenté d’échanger son échantillon d’urine contre un autre flacon dissimulé au préalable -, avant de chercher à acheter le silence des contrôleurs en leur proposant de l’argent.

Accablant. Mais, en Russie, la résistante s’organise. En première ligne, les athlètes. Plus solidaires que jamais, ils multiplient depuis quelques jours les initiatives et les démarches pour faire pencher la balance en faveur de la clémence. La commission des athlètes du comité olympique russe a rédigé une longue lettre à l’intention de Thomas Bach, le président du CIO. Signée de tous les membres de la commission, dont l’ancien nageur Alex Popov, l’ex athlète Tatiana Lebedeva et la joueuse de tennis Anastasia Myskina, elle pointe « le droit inviolable » de participer aux Jeux olympiques pour tout athlète n’ayant jamais enfreint les règles. Rédigé en anglais, le courrier a été transmis aux médias internationaux par le comité olympique russe.

Autre initiative, encore plus médiatique: une tribune libre publiée par Yelena Isinbayeva dans les colonnes du New York Times. Sous le titre « Laissez-moi concourir », la recordwoman du monde du saut à la perche met en avant les dangers de l’amalgame. Elle insiste sur l’injustice de priver une équipe d’athlétisme toute entière du plus bel événement au monde, en faisant abstraction des nombreux athlètes russes, elle en particulier, n’ayant jamais été convaincus ou soupçonnés de dopage.

Reste une question: l’IAAF doit-elle faire preuve de fermeté en suspendant un pays où il est aujourd’hui avéré que le dopage était élevé en système d’état, ou au contraire respecter la présomption d’innocence en laissant concourir les athlètes russes n’ayant encore jamais été impliqué dans le moindre scandale? Les 27 membres du Conseil auront la journée du vendredi 17 juin pour apporter une réponse digne et crédible. Tout sauf une gageure.

En frappant la Russie au cœur, ils enverraient un signal fort. Ils feraient preuve de fermeté. Ils démontreraient leur volonté de s’attaquer vraiment au dopage, en prenant pour cela toutes les meures nécessaires, y compris les plus radicales. A l’inverse, une exclusion de l’athlétisme russe des Jeux de Rio constituerait une injustice flagrante pour les athlètes à la carrière jusque-là sans tache, Yelena Isinbayeva en tête. Surtout, une telle mesure pourrait être perçue comme extrêmement réductrice dans un sport, l’athlétisme, où des pays comme le Kenya, voire l’Ethiopie, ont été placés récemment sur liste rouge pour leurs manquements aux règles antidopage. Bon courage.