— Publié le 18 avril 2016

A 109 jours des Jeux, le Brésil s’enlise dans la crise

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Curieux timing. Quelques jours après une visite à Rio de la commission de coordination du CIO bouclée par des propos optimistes et un discours rassurant, le Brésil s’est enfoncé un peu plus profondément dans la crise. Les députés brésiliens ont ouvert, dimanche 17 avril, la voie à une destitution de Dilma Rousseff, la présidente de la République. Ils ont voté à une écrasante majorité, lors d’un vote historique organisé dans une atmosphère survoltée, contre la chef de l’Etat. Les partisans de « l’impeachment » l’ont emporté avec 367 voix, soit 25 de plus que la majorité des deux tiers (342) requise par la constitution. Seuls 137 députés, de gauche et d’extrême gauche pour l’essentiel, ont voté contre la destitution.

Dilma Rousseff devrait s’exprimer ce lundi 18 avril. Son mandat ne tient désormais plus qu’à un fil. Elle pourrait décider de le couper elle-même, en annonçant sa démission. A moins qu’elle ne préfère attendre le vote du Sénat le mois prochain. Il suffira d’un vote à la majorité simple des sénateurs pour qu’elle soit mise en accusation pour « crime de responsabilité ». Dilma Rousseff serait alors écartée du pouvoir pendant une période au maximum de 180 jours, en attendant un verdict final sur sa destitution par un vote aux deux tiers.

Dans un cas comme dans l’autre, le Brésil entrerait dans un long tunnel à l’issue incertaine. Le vice-président Michel Temer, 75 ans, son ex-allié centriste et désormais rival, assumerait les fonctions de Dilma Rousseff. Il serait amené à former un gouvernement de transition. Sombre perspective. Michel Temer est presque tout aussi impopulaire que la présidente. Son parti centriste, le PMDB, est éclaboussé par le scandale de corruption Petrobras.

Les nuages s’amoncellent au-dessus de sa tête, mais Dilma Rousseff reste droite dans ses bottes. Elle nie avoir commis un crime dit « de responsabilité ». Elle avait annoncé, avant le vote de dimanche, son intention « lutter jusqu’à la dernière minute de la seconde mi-temps ». Son avocat, José Eduardo Cardozo, a prévenu: « Ce vote scandaleux ne va pas l’abattre. Elle va lutter ce pour quoi elle a toujours lutté depuis la dictature, la démocratie ».

Au Brésil, la journée de dimanche a été vécue comme une étape décisive pour l’avenir du pays. A Brasilia, 53.000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et 26.000 sympathisants de gauche habillés en rouge ont suivi les débats sur des écrans géants devant l’assemblée, séparés par une barrière métallique. Des dizaines de milliers de Brésiliens ont manifesté dans le pays, moins nombreux que prévu mais sans incidents, notamment à Sao Paulo et Rio de Janeiro.

Présente la semaine passée à Rio pour la dernière visite de la commission de coordination du CIO avant le début des Jeux, Nawal El Moutawakel avait été interrogée sur la position de l’organisation olympique face à la crise politique brésilienne. Réponse très diplomatique, et prudente, de la dirigeante marocaine, présidente de la commission: « Le CIO est une organisation apolitique, et nous avons avancé dans le travail malgré le contexte politique et économique compliqué. Nous sommes dans les temps. La crise politique n’a pas d’impact sur la préparation des Jeux. »

Difficile à croire. A moins de quatre mois de l’événement, le Brésil vient de changer de ministre des Sports et pourrait bien voir le fauteuil présidentiel recevoir un nouvel occupant. Les billets pour les Jeux se vendent mal parmi le public brésilien, même très mal dans le cas des Jeux paralympiques. Tout sauf une surprise.