— Publié le 22 juin 2015

Le volley-ball français face à ses responsabilités

Tribune Focus

Par Laurent Torrecillas, Président d’Inuksuit International

Le 30 mai dernier, le président de la Fédération française de volley-ball (FFVB), Yves Bouget, présentait sa démission lors de l’Assemblée Générale annuelle, suite au rejet de son rapport moral et à l’issue d’un vote de défiance favorable à 75,02%. Pour la grande majorité des acteurs et observateurs de ce sport, cette nouvelle a sonné comme un énième rebondissement qui depuis 2004, ne cessent de ternir l’image et la crédibilité du volley-ball national. De quoi être désespéré pour l’avenir de la discipline minée par une absence de vision, une gouvernance désastreuse et des luttes d’ego reléguant la plupart du temps l’intérêt général au dernier plan.

Pour résumer la lente descente aux enfers de la Fédération, les faits parlent d’eux-mêmes: un nombre de clubs en déclin et un nombre de licenciés qui ne parvient pas à décoller depuis 20 ans[1], des équipes professionnelles et élite qui disparaissent chaque année pour raisons financières[2], un secteur féminin laissé à l’abandon, des cadres techniques reconnus et compétents remerciés… Voilà la triste réalité d’une Fédération que les excellents résultats actuels de l’équipe de France masculine et des équipes nationales de beach-volley ne parviennent pas à masquer. Une discipline qui ne parvient plus à exister, qui ne sait pas se renouveler et qui a perdu de son influence tant auprès du mouvement olympique français que des instances internationales du volley-ball. Quelle déception de constater que presque aucun média généraliste ne relaie les résultats de l’équipe de France. Ce fût encore le cas lors des derniers matchs de Ligue Mondiale disputés à Poitiers et Tourcoing début juin, alors même que cette compétition est la plus prestigieuse organisée annuellement par la FIVB. Constat accablant pour le sport le plus pratiqué au monde et qui figure avec le beach-volley, parmi les disciplines les plus regardées lors des Jeux olympiques.

Dans un tel contexte, il est grand temps de réagir et de rebâtir un projet d’avenir avant que le naufrage ne soit total. Il en va de la responsabilité des dirigeants de se ressaisir en essayant de préserver ce qui peut l’être et d’ouvrir de nouvelles perspectives. Comment procéder pour maintenir un système de détection et de formation performant? Comment s’y prendre pour parvenir à ramener le volley parmi le top 10 des sports les plus populaires et les plus attractifs en France, à faire en sorte qu’il retrouve une place de choix dans les écoles et les universités? Comment structurer le volley-ball féminin si spectaculaire et esthétique pour qu’il puisse enfin aspirer à participer aux grandes compétitions continentales et mondiales? Comment parvenir à faire sortir de l’anonymat nos joueuses et joueurs les plus emblématiques pour qu’ils deviennent des sources d’inspiration pour les plus jeunes et des modèles de réussite? Quand comprendrons-nous que le beach-volley n’est pas un concurrent du volley-ball en salle mais bien un allié susceptible de rapporter des médailles, qui contribue à la promotion du sport, et qui s’avère être un excellent outil de développement du joueur?…

La FFVB a besoin de se réformer sur le fond comme sur la forme. La prochaine équipe dirigeante devra être renouvelée, à la fois jeune et expérimentée, rompue aux réalités du terrain afin d’incarner un renouveau et redonner confiance à tous les acteurs fédéraux et à leurs partenaires. Cela passe par la définition d’une nouvelle vision cohérente, réaliste et rassembleuse. Une Fédération n’a pas vocation à sanctionner les clubs et les Ligues, mais bel et bien à les accompagner, à les guider et à faciliter leur développement autour d’un objectif commun et d’une ambition partagée.

La période de transition qui s’annonce jusqu’aux Jeux olympiques de Rio peut être propice à un renouveau. Tout en maintenant les équipes nationales masculine et de beach-volley dans les meilleures conditions de préparation pour se qualifier pour les Jeux, il y a une opportunité unique au cours des 15 prochains mois, d’ouvrir une période de consultation nationale élargie à tous les acteurs et observateurs du volley-ball français. Elle permettra de définir une stratégie commune et de bâtir un plan d’action à moyen et long-termes dont la mise en œuvre débutera au lancement de prochaine Olympiade. Les états généraux du volley-ball en 2008 avaient ouvert une voie sans qu’aucune recommandation ne soit suivie d’une quelconque mise en application. Souhaitons que les futurs responsables fédéraux sauront cette fois-ci prendre leurs responsabilités dans l’intérêt de notre sport.

 

 

Note sur l’auteur: Laurent Torrecillas est un ancien volleyeur français. Il est aujourd’hui spécialisé dans l’accompagnement stratégique et opérationnel des organisations sportives et Olympiques, ainsi que dans le conseil auprès de gouvernements pour l’élaboration de leurs politiques sportives. Titulaire d’un Masters en management du sport et des organisations olympiques (MEMOS), son expertise inclus la planification stratégique, la gouvernance, le suivi et l’évaluation, la gestion et direction de projets, le sport de haute-performance et le développement par le sport. Il dirige la Compagnie Inuksuit International, Inc. et à ce titre collabore régulièrement avec le Comité international olympique. Il est également investi en tant qu’entraîneur et coach dans un club féminin de la région bordelaise où il s’occupe du développement de la joueuse et de la coordination technique.

[1] 1.802 clubs en 1994-1995 représentant 91.029 licenciés contre 1.421 clubs et 124.371 licenciés en 2013-2014, soit un augmentation de licenciés de 36,62% sur 20 ans. En comparaison, le handball français est passé sur la même période de 2.318 clubs pour 205.241 licenciés à 2.416 clubs pour 515.571 licenciés, soit une augmentation de licenciés de 151,20% en 20 ans

[2] A l’issue de cette saison 2014-2015, 6 clubs Elite et professionnels ont été placés en liquidation judiciaire, en dépôt de bilan, ou ont été rétrogradés par la DNACG: USSP Albi (Elite féminine), Hainault Volley (Ligue A féminine), Vannes Volleyball (Ligue A féminine), Harnes Volleyball (Ligue B masculine), Saint-Nazaire Volleyball (Ligue A masculine), Saint-Brieuc Volleyball (Elite masculine, accession Ligue B en 2015)